Historique du 1e RTM

source : http://perso.orange.fr/4dmm/histo_1e_rtm.htm

 

LORRAINE - BELGIQUE - FLANDRES - 1939 - 1940

En septembre 1939, pour la deuxième fois depuis le début du siècle, le 1er Régiment de Tirailleurs Marocains, héritier direct de la Brigade de Chasseurs Indigènes du Général DITTE, débarquée à BORDEAUX, le 16 août 1914, prend pied sur le sol de France pour participer à la seconde guerre mondiale contre l'Allemagne.

Mais le 1er Régiment de Tirailleurs Marocains n'est désormais plus seul de son espèce dans cette nouvelle lutte. Le sang de ses morts de 1914 - 1918, en France, et de 1919 - 1933, au Maroc et en Syrie, a fait lever une moisson féconde. Le Commandement français, instruit par son exemple de la valeur des fantassins Marocains, dispose alors de neuf autres régiments de tirailleurs de même origine. Et les tirailleurs marocains, devenus troupes régulières en 1920, figurent depuis longtemps en bonne place dans l'ordre de bataille de la vieille Armée Française.

Le 1er Régiment de Tirailleurs Marocains fait partie avec ses frères, le glorieux 2e Régiment de Tirailleurs Marocains, créé en 1918 et titulaire de la Croix de Guerre 1914 -1918 avec deux palmes, et le 7e Régiment de Tirailleurs Marocains, plus jeune mais aussi vaillant, de la belle 1er Division Marocaine dont le Général MELLIER prend le commandement en février 1940. Et le Général, ancien Capitaine du 1er R.T.M. en 1918, a ainsi sous ses ordres son Régiment de la dernière guerre.

 

Secteur MOSELLE - SIERCK (Lorraine)

Le 16 décembre 1939, le 1er Régiment de Tirailleurs Marocains, aux ordres du Colonel ROUYER, tient les avant-postes de Lorraine dans un secteur, à cheval sur la Moselle, qui s'étend sur la gauche jusqu'à Siercli et à la frontière Luxembourgeoise. Au cours de ce premier séjour en ligne, il assagit un ennemi audacieux et turbulent, s'aguerrit sous quelques tirs de 105 et de mitrailleuses et se rode. Bien en mains, mis en confiance, ayant fait de ses éléments d'active et de réserve un ensemble cohérent où tous se connaissent et s'estiment, il montre qu'il est resté un excellent instrument de guerre, digne de son passé.

Le 26 janvier 1940, le Régiment, relevé, descend au repos en Champagne où il parfait son entraînement.

 

Bataille de GEMBLOUX (Belgique)

Au début, d'Avril, il relève, dans le secteur de Maubeuge, le 4e Régiment de Tirailleurs Marocains, sur la frontière belge.

Dans la nuit du 9 au 10 mai, Maubeuge est bombardé par l'aviation allemande, la puissante offensive hitlérienne se déclenche en Belgique et dans les Ardennes.

Le 11 mai, à 3 heures, le Régiment, alerté, franchit la frontière et se porte, suivant un plan établi à l'avance, sur la transversale Namur-Bruxelles, vers Gembloux où il doit s'installer, sans esprit de recul. Il va affronter, avec les autres régiments de la Division, le choc de l'ennemi exalté par ses succès successifs contre les Polonais d'abord et tout récemment contre les Hollandais et les Belges.

Le 2e Bataillon (Commandant FLAMANT), transporté en camions, tient au Nord le Secteur d'Ernage où il doit être relevé ultérieurement par le 7e R.T.M. faisant mouvement à pied. Le 1e Bataillon (Commandant. GIAUME), également transporté en camions, a pour mission de défendre seul le secteur très étendu de Gembloux jusqu'à l'arrivée du 3e Bataillon (Commandant SANSON) qui rejoint à pied, à marches forcées, pour l'étayer.

Le 13 mai, à minuit, les divers éléments du Régiment occupent leurs sous-quartiers et prennent contact avec l'ennemi tandis que les troupes belges et les chars de la 3e Division Légère Mécanique Française retraitent difficilement au milieu de la triste cohue des réfugiés civils.

Le sous-lieutenant VILLERME, de la 1e Compagnie, blessé mortellement au cours d'une patrouille, tombe le premier au champ d'Honneur, dans la nuit du 13 au 14 mai.

Le 14 mai au matin, la 1e Compagnie est relevée à l'Est de Gembloux par la 9e Compagnie du Capitaine BUCHAILLARD. Celle-ci est immédiatement attaquée par un ennemi mordant, fortement appuyé par les blindés. Nos canons anti-chars de 25 font merveille et, bien que la pression allemande s'accentue, l'adversaire est stoppé.

Irrité de cette ferme résistance, les Allemands entendent passer coûte que coûte. Blindés, infanterie d'accompagnement, aviation de bombardement en piqué, artillerie, s'y emploient sans compter. Le 15 mai, au matin, donc, nouvelle attaque de grand style sur tout le front. La 2e Compagnie est écrasée par un bombardement terrible. LA 9e Compagnie, très éprouvée également, tient farouchement. Son chef, le Capitaine BUCHAILLARD, qui galvanise ses hommes et se prodigue sans arrêt, le fusil à la main, partout où se dessine une menace, est tué d'une balle au front. La Compagnie, réduite à 60 hommes, continue à tenir sans défaillance.

A 13 heures, les Stukas bombardent en piqué nos positions et, à 14 heures, les Allemands, plus mordants que jamais, tendent à nouveau de déboucher. L'adjudant-chef BROTONS se défend pied à pied dans les avancées de Gembloux avec les débris de la 9e Compagnie. Une dangereuse infiltration de deux Compagnies ennemies entre les restes de la 2e Compagnie et les survivants de la 9e Compagnie est stoppée par une énergique contre attaque de la section du Lieutenant DUCHATELLE (1e Compagnie).

Dans tous les autres sous-quartiers du Régiment les positions sont maintenues intégralement. A gauche, le Capitaine GAZEAU, de la 11e Compagnie, est grièvement blessé d'une balle en pleine poitrine. Son unité, très éprouvée; doit être étayée par la 10e Compagnie du Capitaine de METZ. A droite, le Lieutenant ALLIOUX, de la 2e Compagnie, dégage des éléments menacés d'encerclement.

Au soir, nos positions sont toujours. intactes, les masses ennemies et leurs blindés sont arrêtés avec de grosses pertes (40 blindés, 3 avions). L'adversaire, désespérant de percer nos lignes, glisse alors. vers le Nord. En dépit de pertes cruelles, tous au Régiment sont confiants, fiers de ce succès, prêts à défendre à nouveau jusqu'au bout le secteur qui leur est confié, quand, dans la nuit, brutalement, arrive l'ordre de repli sur la voie ferrée Tilly-Marbais (10 Kms Ouest de Gembloux).

La rage au coeur, les sections décrochent successivement et font mouvement sans être inquiétées autrement que par des salves d'artillerie et des attaques de l'aviation adverse, entièrement maîtresse de l'air.

 

La retraite. Combats des FLANDRES

Le 15 mai, à midi, le 1er Régiment de Tirailleurs Marocains occupe les positions, défavorables qui lui ont été assignées.

A peine installé, il est à nouveau attaqué durement. Des chars allemands, débouchant dans Marbais, percent cette fois nos lignes, alors qu'un nouvel ordre de repli arrive au crépuscule, et encerclent des unités du 1er Bataillon que le lieutenant-colonel BOCAT ordonne aussitôt de dégager.

Bien qu'épuisés, les Tirailleurs, que leur vieil atavisme guerrier lance en avant, contre attaquent sans appui d'artillerie, baïonnette haute, avec un élan admirable, font reculer les allemands surpris et permettent à leurs camarades de se replier.

Après un difficile décrochage, effectué sous la protection du 2e Bataillon, le Régiment borde, le 16 mai, à 5 heures du matin, le canal de Serneffe.

Puis ce sont trois pénibles journées de retraite sous le harcèlement incessant de l'aviation adverse, marquées par des installations successives sur des positions intermédiaires abandonnées ensuite par ordre sans que l'ennemi ait pris le contact. Enfin, le Régiment arrive aux abords de Denain (Sud-Ouest de Valenciennes) où il doit défendre le passage de l'Escaut en direction du Sud et du Sud-Est.

Le 20 mai, le 1er R.T.M. est mis en réserve entre Marchiennes et Denain.

Le 23 mai, le Général MELLIER, Commandant la Division, en lui présentant son nouveau chef, le Commandant FLAMANT, lui adresse ses vives félicitations pour sa magnifique tenue à Gembloux, ainsi qu'au cours de cette dure et déprimante retraite.

Et voici pour les sanglantes journées suivantes, le sobre récit d'un des acteurs du drame, le Capitaine LECOINTE "le 23 mai, au soir, le Régiment reçoit l'ordre de se porter en direction de Carvin (entre Lens et Lille). Après quinze heures de marche, il gagne Pont-à-Vendin et Meurchin... Il défend le canal de la Haute-Deule qui dessine un angle droit au large de Carvin; le 25, reconnaissances ennemies, artillerie allemande, chars; le 26, attaques répétées contre les Compagnies réduites à 50 hommes et légèrement réencadrées par des renforts d'Officiers du 7e et du 2e R.T.M. De notre côté, quelques canons anti-chars et quelques mitrailleuses seulement. Combats farouches, à courte distance, où tout le monde tient tête jusqu'au bout, où, faisant flèche de tout bois, la Compagnie d'Engins, la Compagnie de Commandement défendent au mousqueton leur point d'appui, côte à côte avec les voltigeurs et les mitrailleurs redevenus voltigeurs.

Le Régiment tient un si grand front dans ce sous-secteur meublé à foison de villages et de pâtés de maisons de toutes sortes, que l'ennemi parvient, malgré de lourdes pertes, à s'infiltrer entre les noyaux de nos défenseurs, qui jalonnent, de ci, de là, la ligne de résistance"

Le Capitaine BATTET, Commandant le 2e Bataillon, le Lieutenant POUSSET, Commandant la Compagnie de Commandement, sont tués ou mortellement blessés le 26 mai.

Cernés de toutes parts, les débris du 2e Bataillon, au plus de soixante ou soixante dix hommes, foncent, à plusieurs reprises, à travers les lignes ennemies. Au cours de ces tentatives désespérées, le Capitaine BERTHE DE POMMERY, qui a succédé au Capitaine BATTET, le Lieutenant DRISS BEL HADJ MOHAMMED (6e Compagnie), le Lieutenant BAILLET (C.A.3), sont tués, le Capitaine JEANPIERRE est grièvement blessé. Le Lieutenant GENDRE est tué à coups de baïonnette à Carvin. Au Ier Bataillon, le Lieutenant PESSEY est également blessé en contre-attaquant, un fusil mitrailleur à la main.

Dans la nuit du 27 au 28 mai, les survivants du 1er R.T.M. décrochent pour occuper une nouvelle ligne, jalonnée par les villages de Carvin, Amelin, Hellemes-les-Marais où ils livrent leur dernier combat organisé. Quelques centaines d'hommes tiennent là tant qu'ils peuvent, puis tournés, encerclés, sont pour la plupart mis hors d'action ou faits prisonniers.

Mais les quelques éléments qui ont pu échapper à l'étreinte de l'ennemi n'en continuent pas moins la lutte, chacun pour leur compte. Certains, tel le Lieutenant DUCHATELLE entouré d'une poignée d'hommes, lient leur action à celle d'unités d'un Régiment voisin (22e R.T.A.), d'autres, ralliant le Général MELLIER, résistent farouchement avec lui à Lille. Trois jours durant sans se laisser entamer, repoussent deux ultimatum, pour être finalement pris, n'ayant plus de munitions, d'autres combattent jusqu'à la mort à Calais, d'autres enfin réussissent à gagner Dunkerque qui leur avait été fixé comme point de rassemblement.

L'épisode de Calais est caractéristique de cette sombre période où tous, sous l'écusson du 1er R.T.M., combattent sans espoir pour l'honneur du Drapeau.

Le Capitaine BERNARD DE METZ, ancien Commandant de la 10e Compagnie, évacué pour maladie sur Calais, groupe autour de lui une cinquantaine de tirailleurs marocains à l'approche des allemands. Il assume sans défaillance la défense du Bastion II, avec l'aide de marins et d'un groupe d'officiers et d'hommes de la 21e Division et périt héroïquement le 26 mai, écrasé avec sa poignée de braves par le bombardement massif de l'aviation et de l'artillerie ennemie, les fantassins allemands n'ayant pu l'entamer.

Le 31 mai, les Lieutenants REGAUD et LARCHE sont tués, non loin de Zuydcote, par éclats de bombe après avoir mené leurs hommes de la Compagnie Hors Rang jusqu'au point d'embarquement.

Finalement les survivants prennent place, le 1er juin, à bord de plusieurs bateaux mais l'un de ceux-ci, le Brighton Queen, est coulé par les avions allemands. Avec lui disparaissent le Drapeau du Régiment, le sous-lieutenant MORICE, porte-drapeau, le sous-lieutenant COIFFARD et de nombreux Tirailleurs.

Huit officiers et 150 hommes seulement arrivent sains et saufs en Angleterre. .

Ramenée en Normandie une semaine plus tard, cette petite troupe est engagée sans matériel, débordée par les colonnes de chars allemands, encerclée et faite prisonnière.

Telle est, au cours de cette malheureuse campagne de Belgique et des Flandres, la poignante histoire du 1er R.T.M. qui s'est entièrement sacrifié avec abnégation dans une lutte sans espoir depuis l'abandon des positions victorieusement défendues à Gembloux.

Symbole suprême, au terme de ce calvaire, le Drapeau est enseveli en pleine mer comme si notre glorieux emblème n'avait pas voulu survivre à son Régiment.

 


eau lui incomber.