LA CAMPAGNE DE MAI 1940 EN BELGIQUE: LA 5e DIVISION LEGERE DE CAVALERIE FRANÇAISE (5ème DLC) EN ARDENNE, DU 10 AU 12 MAI

Texte communiqué par T.Meaudre , realisé par le colonel BIKAR

 

INTRODUCTION

Le 10 mai 1940, premier jour de la grande offensive allemande de l'Ouest, les Français, répondant à l'appel au secours du Gouvernement belge, lancent dans nos Ardennes 4 divisions légères de cavalerie (DLC), ainsi que 2 brigades de cavalerie non endivisionnées (1ère BC et 3e Brigade de Spahis), toutes renforcées par des groupes de reconnaissance des divisions d'infanterie et des corps d'armée de la position de résistance des 2e et 9e Armées françaises. Les grandes unités de cavalerie et leurs renforts doivent aller à la rencontre des Allemands, le plus loin possible, pour faire ensuite du combat retardateur afin de procurer aux forces franco-britanniques le temps nécessaire pour prendre les mesures adéquates, compte tenu des renseignements obtenus sur les forces et les axes d'attaque de l'ennemi.

Nous avons consacré quelques travaux antérieurs à cette cavalerie française:

- de la 9e Armée

- 4e DLC sur les axes Profondeville... Durbuy et Godinne... Marche, Grandménil (1)

- 1ère DLC sur les axes Dinant, Marche, Laroche, Bérisménil; et Hastière, Rochefort, Champlon (2)

- 3e Brigade de Spahis sur les axes Vresse, Graide, Daverdisse, Mirwart; et Mouzaive, Maissin, Poix-Saint-Hubert (3)

- de la 2e Armée

-1ère BC sur les axes Chassepierre... Straimont; et Florenville... Suxy (4)

- 2e DLC sur les axes Gérouville, Etalle, Habay-la-Neuve; et Virton... Arlon (5).

(1) A. BIKAR: 4e DLC, in Revue Belge d'Histoire Militaire (RBHM), n° de juin et septembre 1984.

(2) IDEM: 1ère DLC, in RBHM, n° de juin et septembre 1985.

(3) IDEM: 3e Brigade de Spahis, in RBHM, n° de mars 1986.

(4) IDEM: 1ère RC, in RBHM, n° de septembre 1989.

(5) IDEM: 2e DLC, in RBHM, n° de juin, septembre et décembre 1988.

Pour être complet, il restait à relater les événements à la 5e DLC, sur les axes Bouillon, Libramont, Bertogne et Neufchâteau, Petite-Rosière.

C'est cette 5e DLC qui eut la mission la plus difficile. En effet, tandis que les 3 autres eurent affaire chacune à une Panzerdivision, la 5e DLC, le 11 mai, fut aux prises avec les trois Panzers constituant le XIXe Corps du général Guderian: la 2e Panzer qui attaque Libramont, la Ire qui fonce sur Neufchâteau, et la 10e, renforcée par l'Infanterie Regiment Grossdeutschland (IRGD), qui surgit au sud de Neufchâteau. Cette 10e Panzer renforcée était le 10 mai devant la 2e DLC, mais trouva celle-ci trop coriace et, faisant le 11 mai un immense détour vers le Nord-ouest, prit la 5e DLC dans son flanc droit. De plus, c'est devant la 5e DLC que les Allemands réalisèrent le 10 mai leur opération «NIWI», c'est-à-dire l'atterrissage, dans la région de Léglise, Nives et Witry, du IIIe bataillon de l'IRGD, transporté par petits avions Fieseler Storch. Cette opération a fait l'objet d'un travail antérieur (6), relatant les combats des Chasseurs ardennais contre les 1ère et 2e Panzers et le III/IRGD, et les avatars des éléments avancés de la 5e DLC. Nous reparlerons ici de ces combats du 10 mai des Détachements de Découverte (DD) de la 5e DLC, mais nous étudierons surtout les dramatiques journées des 11 et 12 mai à la division.

(6) IDEM: Opérations Herdderich et NIWI in RBHM, n° de mars 1974 (Hedderich), septembre et décembre 1974. mars et juin 1975 (NIWI).

A. - LA 5e DLC

1. - COMPOSITION DE LA DIVISION (voir annexe 1)

La 5e DLC comprend essentiellement deux brigades à deux régiments:

- la 6e Brigade de Cavalerie (6e BC): deux régiments à cheval: le 11e Cuirassiers et le 12e Chasseurs à cheval;

- la 15e Brigade Légère Motorisée (15e BLM): le 5e Régiment d'Autos-mitrailleuses (5e RAM) et le 15e Régiment de Dragons Portés (15e RDP).

II y a en outre: le 78e Régiment d'Artillerie (78e RA), le 5e Escadron Divisionnaire Antichars (5e EDAC), la 10e Batterie Divisionnaire Antichars (10e BDAC), la Compagnie de Sapeurs-mineurs 34/1, la Compagnie mixte de Transmissions 34/84, diverses unités des Services.

La division, pour son action en Belgique, sera renforcée par trois Groupes de Reconnaissance: le 12e GRCA (du Xe Corps), le 60e GRDI (de la 71e DI) et le 64e GRDI (de la 55e DI). Elle aura en outre à sa disposition deux bataillons d'infanterie: le I/295e RI de la 55e DI, et le III/1 2e Zouaves de la 3e DI nord-africaine (3e DINA). Elle pourra aussi faire appel à 3 compagnies et demie du Génie du Xe Corps.

 

 

II. - LES CANTONNEMENTS LE 9 MAI, VEILLE DU PREMIER JOUR DE LA GRANDE OFFENSIVE ALLEMANDE

Les unités de la 5e DLC sont cantonnées dans une zone d'environ 25 kilomètres de large, entre Donchery et Carignan, en avant de la position de l'infanterie du Xe Corps, corps de gauche de la 2e Armée:

1. - UNITÉS ORGANIQUES

- QG/5e DLC: Bazeilles

- 6e BC: QG à Sedan (quartier Fabert)

12e Chasseurs à cheval: PC à Sedan (Fabert); 1er escadron: Floing; 2e: Villers-Cernay; 3e: La Chapelle; 4e: Illy

11e Cuirassiers: PC à Francheval; 1er: Francheval; 2e: Pouru-au-Bois; 3e et 4e: Escombes et Le Chesnois

- 15e BLM: QG à Rubécourt

15e RDP: PC à Sedan (quartier Macdonald); I: Pouru-Saint-Remy; ler: Messincourt; 2e: Douzy; 4e: Pouru-Saint-Remy; II: Sedan (Fabert); 5e: Fond de Givonne; 6e et 8e: Sedan (Fabert) 5e RAM: PC et escadron de chars: Douzy; escadrons moto: Matton; groupes de découverte: 1: Givonne; 2 et 3: Messincourt

- 5e EDAC: 2 pelotons à Pouru-Saint-Remy; 1 pel.: Fond de Givonne - 10 BDAC: 2 sections à Rubécourt; 2 sections à Douzy

- 78e RA: PC à La Moncelle (château); I: Daigny; II: Rubécourt et Sachy

- 5e Escadron de Réparation Divisionnaire: Vendresse - Cie mixte de Transmissions 34/84: Bazeilles

- Cie de Sapeurs-mineurs 34/1: Balan

- Cie du Génie 110/2: PC, Ire, 2e et 3e sections: Sedan (Fabert); 4e section: Saint-Menges.

2. - UNITÉS EN RENFORT

- 60e GRDI: PC: Messimpré; ler escadron: Pure; 2e: Clemency; 3e: Messimpré

- 64e GRDI: PC: Saint-Menges; ler: Fleigneux; 2e: Saint-Menges

- 12e GRCA: PC: Vrigne-au-Bois; escadrons à Vrigne-au-Bois, Vrigne-Meuse et Bosseval.

III. - MISSION DE LA 5ème DLC EN CAS D'ENTRÉE EN BELGIQUE

En cas d'entrée en Belgique, la 5ème DLC aura pour mission de:

- se porter aussi vite et aussi loin que possible à la rencontre de l'ennemi, pour exercer sur lui une action de retardement ... qui durera évidemment d'autant plus longtemps que le premier contact se sera produit loin dans l'Est;

- «faire du renseignement», afin d'informer le Haut Commandement français sur les axes d'attaque de la Wehrmacht, la nature et l'importance des colonnes;

- réaliser des destructions routières, notamment à Recogne-Libramont et Neufchâteau.

Au départ, la 5ème DLC sera encadrée par deux brigades indépendantes, à cheval: à l'Ouest, la 3e Brigade de Spahis (3e BS), unité de droite de la cavalerie de la 9e Armée; à l'Est, la 1ère BC, unité centrale de la cavalerie de la 2e Armée (de la gauche à la droite: Se DLC, lère BC, 2e DLC). La 1ère BC ne devra pas dépasser la transversale Saint-Hubert, Libramont, Neufchâteau, Rulles, au-delà de laquelle les 2e et 5e DLC seront voisines directes.

IV. - SECTEUR D'ACTION, ITINÉRAIRE ET OBJECTIFS DE LA DIVISION

La 5ème DLC doit déboucher de la Semois à Bouillon et dans la région de Florenville, et lancer des Détachements de Découverte (DD) soutenus par des Détachements de Sécurité Eloignée (DSE) vers Houffalize (par Libramont) et Bastogne (par Neufchâteau). Le secteur d'action de la division est limité, à l'Ouest, par une ligne jalonnée par Alle, Paliseul, Houffalize; à l'Est, par une ligne passant par Chassepierre, Léglise (exclu) et Fauvillers (exclu). La division étant articulée en deux groupements (voir plus loin), la limite latérale commune de ceux-ci sera une ligne passant à l'est de Villers-Cernay et allant jusqu'au sud de Bouillon, puis obliquant vers le Nord-est pour passer au sud-est de Bertrix, au sud-est de Libramont, et au sud-est de Houffalize.

Les itinéraires suivants sont prévus; de la gauche à la droite: n° l: Alle, Rochehaut, Mogimont, Paliseul, Anloy, Glaireuse, Libin; n° 2: Bouillon, Paliseul, Libin, Saint-Hubert, Laroche, Vielsalm; n° 3: Bouillon, Bertrix, Libramont, Amberloup, Bertogne, Houffalize, Saint-Vith; n° 4: Florenville, Straimont, Neufchâteau, Bastogne.

Les transversales suivantes constituent les objectifs successifs:

0.1: Alle, Bouillon, la Semois jusqu'à Tintigny;

0.2: La Lomme entre Libin et Saint-Hubert, Libramont, Neufchâteau, Rulles;

0.3: Bertogne, Bastogne, Martelange.

 

 

 

 

Mais les DD et DSE devront aller au-delà de 0.3, si c'est possible. Il est prévu qu'à l'issue de la manoeuvre de retardement dans l'Ardenne belge, manoeuvre qui devrait durer cinq jours, la 5e DLC passera en réserve derrière la position principale de défense de la zone de Sedan. Les Groupes de Reconnaissance, en particulier, devront se regrouper dans les régions suivantes:

- 12e GRCA: Les Grandes Armoises, La Berlière

- 60e GRDI: Sommauthe, Vaux-en-Dieulet

- 64e GRDI: La Cassine.

V. - ARTICULATION DES FORCES DE LA 5ème DLC

Le général Chanoine, commandant la division, articule ses forces en deux groupements (Ouest et Est), commandés respectivement par le général Brown de Colstoun, commandant la 6e BC, et le colonel Evain, commandant la 15e BLM. Chacun de ces groupements est mixte, c'est-à-dire qu'il comprendra des unités à cheval et des unités motorisées. Sur chaque itinéraire, il y aura évidemment un prudent échelonnement en profondeur: d'abord les DD, puis les DSE, puis les avant-gardes des Gros, ensuite les Gros des colonnes, et enfin un deuxième échelon. Voyons cela en détail, en partant de la gauche:

1. - GROUPEMENT OUEST: général Brown de Colsoun, avec essentiellement le 12e Chasseurs à cheval:

ITINÉRAIRE 1 (Alle... Libin):

- un détachement «DD/DSE»: Lt Josset (du 3e escadron/12e GRCA) avec

- 1 peloton d'AMR du 5e/15e RDP

- 2 pelotons moto du 3e/12e GRCA

- 1 groupe de 2 canons de 25 (Lt Martin) du 5e EDAC

- Gros: 64e GRDI + 1 section de la 3e batterie du 78e RA.

ITINERAIRE 3 (Bouillon... Libramont):

- DD.1 du commandant Rougier (et le I/Se RAM) avec:

- 2 pelotons d'AMD du ler/Se RAM

- 2 pelotons moto du 2e/Se RAM

(une fraction de ce DD.1 passera par Saint-Hubert)

- DSE: commandant Mouton (du II/12e GRCA) avec:

- le gros du Se/15e RDP

- des éléments antichars

- une demi-section moto de la Cie de Sapeurs-mineurs 34/1 (sergent chef André)

- Avant-Carde:

- 1 peloton chars du 3e/Se RAM

- des motocyclistes du 5e RAM

- la 3e batterie du 78e RA (moins la section avec le 64e GRDI)

- Gros:

- 12e Chasseurs à cheval

- I (-3e Bie) du 78e RA

- 2 canons de 47 de la 10e BDAC

- La section TT de la Cie de Sapeurs-mineurs 34/I

- 2e Echelon:

- II (-5e escadron) du 15e RDP

- 1 groupe de 2 canons de 25 (du peloton Martin) du 5e EDAC

- 1 peloton de chars du 3e/Se RAM.

2. - GROUPEMENT EST DU COLONEL EVAIN

Ce groupement est subdivisé en deux sous-groupements:

- le Sous-Groupement Nord (ou gauche): 11e Cuirassiers moins le IIe groupe, et I/15e RDP

- le Sous-Groupement Sud (ou de droite): II/11e Cuirassiers et 60e GRDI.

a) Sous-Groupement Nord

ITINÉRAIRE 4 (Messincourt, Muno... Neufchâteau, Bastogne)

- DD.2: capitaine de Canchy, du 2e/5e RAM, avec:

- 1 peloton d'AMD du 1er/5e RAM

- 1 peloton moto (Lt Toussaint) du 2e/5e RAM

- DSE (derrière le DD.2): http://www.clham.org/, avec:

- 2 pelotons d'AMR et 2 pelotons moto du ler/15e RDP

- une demi-section moto (lt Brunelle) de la Cie de Sapeurs-mineurs 34/1

- Avant-Garde:

- 1 peloton de chars (Guignard) du 3e/5e RAM

- des motos du 5e RAM

- 1 batterie du 78e RA

- Gros: le colonel Labouche, commandant le l le Cuirassiers, avec:

- 1 peloton de chars du 3e/5e RAM

- 11e Cuirassiers (-IIe groupe)

- IIe groupe du 78e RA (-la batterie en avant-garde)

- 2 canons de 47 de la l0e BDAC

- la section camionnettes de la Cie de Sapeurs-mineurs 34/1

- 2e Echelon:

- I/15e RDP (-ler escadron).

b) Sous-Groupement Sud

ITINÉRAIRE 5 (Matton, Chassepierre... Bernimont) et ITINERAIRE 6 (Matton, ... Chiny, Suxy, Les Fossés...): le lieutenant-colonel du Passage (et le 60e GRDI) avec: le 60e GRDI (à droite), le IIe Groupe du lle Cuirassiers (à gauche), 1 peloton du Se EDAC.

3. - RÉSERVES: sous le commandement du commandant du 5e RAM: le restant du 5e RAM: 1 peloton d'AMD, 2 pelotons de chars, et 5e peloton moto; le 12e GRCA (sauf 2 pelotons moto attribués au DD/DSE de l'itinéraire 1), renforcé par 1 section de la 10e BDAC.

4. - L'INFANTERIE SUR LA SEMOIS: les deux bataillons d'infanterie attribués à la 5e DLC devront constituer une position de recueil sur la Semois: le I/295e RI derrière le Groupement Ouest, le III/12e Zouaves derrière le Groupement Est. Liaison entre ces deux bataillons sur la partie ouest de la boucle de Han. Coordination: par le commandant du 15e RDP.

B. - LES BELGES EN ARDENNE

Les conceptions du Haut Commandement belge, ses velléités de modifications depuis le 13 avril 1940 jusqu'au matin du 10 mai, le dispositif des troupes, etc, ont été longuement exposés précédemment (7). En résumé, à l'aube du 10 mai 1940, il y a en Ardenne le Groupement K (du nom du général Keyaerts, commandant la 1ère DC, dont le QG est à Saint-Hubert) comprenant la lère DC et la 1 re Division de Chasseurs Ardennais (1ère DChA).

(7) A. BIKAR: 10 mai 1940, « Hedderich et Niwi» , les deux opérations allemandes aéroportées sur petits avions Fieseler Storch, in Revue Belge d'Histoire militaire, n° XX-7 de septembre 1974, pp. 600 à 608.

I. - LE DISPOSITIF DES TROUPES

- La 1ère DC, qui après l'exécution des ordres donnés dans la nuit du 9 au 10 mai, sera tout entière regroupée sur la Position d'Arrière-Garde, vaste arc de cercle appuyé à la Meuse de Huy et à l'Ourthe de Comblain-au-Pont, et passant par la vallée du Hoyoux, Somme-Leuze et Petit-Han;

- Le Bataillon motocycliste de Chasseurs Ardennais, à Laroche et Erezée, et dépendant directement du général Keyaerts;

- La 1ère DChA (QG à Neufchâteau): 1er, 2e et 3e Chasseurs Ardennais:

- le 3e ChA, sur la Salm, dépend directement du général Keyaerts;

- le QG/lère DChA, à Neufchâteau, n'a sous ses ordres que les 1er et 2e ChA, sans mortiers, sans artillerie, sans canons de 47 antichars de position, mais disposant, pour la protection des colonnes, de «T.13», c'est-à-dire de canons de 47 sous semi-coupoles, sur affûts chenillés automoteurs.

Les 1er et 2e ChA, initialement, ont déjà chacun un de leurs trois bataillons sur la Position d'Arrière-Garde (III/1 er ChA et 1er/2e ChA); il ne leur reste donc à chacun que 2 bataillons, ainsi que leur Cie moto (la 10e) et leurs T.13 (11e Cie, répartie).

Le 2e ChA (PC à Amberloup) occupe avec ses 2 bataillons une position couvrant Bastogne. La 1re Cie (du III) est à Libramont.

Le 1er ChA (PC à Neufchâteau):

- a son Ier Bataillon à Sibret (PC), Burnon (2e Cie), et Assenois (3e);

- a son IIe Bataillon à Fauvillers (PC). Murtelange (4e Cie), Bodanoe (5e) et Habay-la-Neuve (6e);

- les 1ère, 7e, et 9e Cie, détachées de leurs bataillons, sont à Arlon (1ère et 9e), et Neufchâteau (7e);

- la 10e Cie a 2 pelotons à Neufchâteau, et 1 à Bologne (nord de Habay) pour couvrir le repli de la 6e.

Remarques importantes

- dans la nuit du 7 au 8 mai, parce qu'il y avait Préalerte, le puissant groupement motorisé cantonné dans la région Habay-Etalle, et qui, en cas d'alerte, devait occuper la frontière de l'Est depuis Schockville jusqu'à Athus, perd le 1 er Guides (6 escadrons motocyclistes, et un 7e escadron blindé à 7 T.13 et 6 petits chars T.15), envoyé sur la Position d'Arrière-Garde;

- et dans la nuit du 9 au 10 mai, parce qu'il y a Alerte, le restant de ce groupement (4 escadrons du 2e Lanciers) se replie aussi;

- le 10 mai à 7 heures, le général Keyaerts donne l'ordre de repli vers le Nord des deux derniers escadrons de la Ire DC qui se trouvaient dans le sud de l'Ardenne: les ler et 4e du 2e Lanciers, qui gardaient la Semois, face au Sud, respectivement à Rossignol et Bouillon.

 

II. - LA MISSION

Les 1er et 2e ChA, serrant sur leur gauche, se replieront par Marche et Laroche vers la Position d'Arrière-Garde, à Durbuy et Barvaux, c'est-à-dire en direction du Nord et du Nord-ouest, donc perpendiculairement à la direction générale de l'attaque allemande. Ce repli aura lieu à partir des unités situées le plus au Sud, dès l'exécution des destructions prévues.

C. - LES PLANS ALLEMANDS AU SUJET DE L'ARDENNE CENTRALE

Les trois divisions blindées (du Nord au Sud: 2e, 1ère et 10e Panzer) du XIXe Corps du général Guderian ont pour objectifs respectifs, le 10 mai 1940: Libramont, Neufchâteau, et Florenville. Le IIIe bataillon de l'«Infanterie Regiment Grossdeutschland» (IRGD), transporté sur petits avions Fieseler Storch, doit atterrir à l'ouest de Bastogne, à Nives et Witry (d'où le nom de l'opération: NIWI) pour: interrompre toutes les liaisons entre les Chasseurs ardennais de la position frontière (Bastogne... Bodange... Martelange), et leurs arrières; attaquer ces troupes dans le dos; empêcher les réserves (de Neufchâteau, etc.) de venir les renforcer.

 

D. - LA JOURNÉE DU 10 MAI 1940

I. - LES ÉVÉNEMENTS, EN ARDENNE, EN CE QUI CONCERNE LES CHASSEURS ARDENNAIS ET LES ALLEMANDS SE TROUVANT DANS LE SECTEUR ASSIGNÉ À LA 5ème DLC

1. - LES INTERVENTIONS DES CHASSEURS ARDENNAIS CONTRE LES ALLEMANDS DE L'OPÉRATION NIWI

Les aéroportés ennemis ont atterri dans trois régions: à Léglise - Rancimont, à Traimont-Witry et à Nives-Cobreville. Du côté belge, le général Keyaerts n'envoie contre eux aucune unité de l'arrière (sur la Position d'Arrière-Garde, le gros de la 1ère DC est déployé face à l'Ouest et va même gêner la progression des Français vers l'Est!); et charge la 1ère DChA de se débrouiller en prélevant des éléments de l'avant. Ce seront:

- la 10e Cie moto du 1er ChA, qui va attaquer le groupe ennemi de Léglise-Rancimont par le Nord (les 2 pelotons venant de Sibret), et par le Sud (le peloton de Bologne);

- la patrouille du lieutenant Schweicher, du II/1er ChA (2 T.13 et une dizaine de chasseurs, venant de Fauvillers), contre le groupe ennemi de Traimont-Witry;

- la 10e Cie moto (moins ses 3 T.15 et un demi-peloton moto) et 4 T.13 dit 2e ChA, qui vont attaquer le groupe ennemi de Nives-Cobreville par le Nord, tandis que la patrouille du lieutenant Simonet (2 T.13 et 6 chasseurs de la 2e Cie/1er ChA) venant de Hol lange, l'attaque par l'Est.

Voyons le déroulement de ces actions.

A Léglise, les Allemands sont bien retranchés dans les maisons. Les 2 pelotons motocyclistes de Chasseurs ardennais et leurs deux T.15 attaquent bravement, mais aussitôt les chauffeurs des deux blindés sont blessés dans leurs tourelles par des éclats provenant des projectiles des fusils antichars ennemis; et plusieurs motocyclistes sont blessés aussi. Sur ces entrefaites, les Allemands, vers 1Oh30, se replient en direction de Witry. Vers l Oh45, le peloton moto remontant de Bologne fait sa jonction à Léglise avec le gros de sa compagnie, qui se met en défensive dans le village. A 15h 15, elle reçoit l'ordre de repli sur Offaing.

A Cobreville:

- la patrouille Simonet subit un feu violent d'armes automatiques ennemies, et est bloquée. Les Allemands se replient bientôt de Cobreville, et constituent deux points d'appui: l'un au nord de Nives, l'autre à Petite-Rosière. Quant à la patrouille Simonet, elle est rappelée à 14h30 par le commandant de la 2e Cie, qui a reçu l'ordre de repli général de tout le I/1er ChA;

- la 10e Cie moto du 2e ChA (amputée d'un demi-peloton moto et de ses 3 T.15 qui occupent la vallée de l'Ourthe entre Houffalize et Laroche), après divers ordres et contre-ordres, arrive au nord de Petite­Rosière. Les 4 T.13, prélevés sur la position devant Bastogne, la rejoignent. Il est environ 13 heures. Tout le détachement est pris sous le feu du point d'appui allemand du nord de Nives. Un T.13 est mis en flammes, et ses munitions sautent; le détachement belge est bloqué. Et, à 15 heures, il reçoit l'ordre de se replier avec les I et II/ler ChA sur le chemin de fer Bastogne-Libramont.

Sur la route Traimont-Witry, la patrouille Schweicher (le T.13, seule arme antichars de la compagnie de Bodange, et 10 chasseurs mal armés de l'état-major du IIe bataillon) se heurte vers 10 heures, aux lisières Est de Traimont, à plus d'une centaine d'Allemands armés jusqu'aux dents (mortiers, etc.). Schweicher ne peut que se replier lentement vers Fauvillers. Ayant reçu un 2e T.13, il repart vers l'Ouest jusqu'à la «Barrière de Fauvillers», et tiendra là jusqu'à 18 heures, permettant ainsi aux débris du IIe bataillon de se replier vers le Nord. Ensuite, un des deux T.13 s'échappe vers le Nord, tandis que l'autre, mis en feu par le tir ennemi, doit être abandonné. Schweicher et ses quelques chasseurs se replient à pied dans la forêt d'Anlier, mais seront capturés le lendemain vers 11 heures.

 

 

2. - LES CHASSEURS ARDENNAIS DE LA POSITION FRONTIÈRE (BASTOGNE... STRAINCHAMPS... BODANGE... MARTELANGE)

Les Allemands devant attaquer la position frontière par voie terrestre, arrivent devant celle-ci plusieurs heures après les atterrissages de l'opération NIWI, puisqu'ils ont dû traverser le Grand-Duché de Luxembourg.

La 4e Cie du 1er ChA, à Martelange, est attaquée à 7h30 par les éléments de tête de la 1ère Panzer. Elle résiste très bravement, mais se replie par ordre à 10h40, et va s'installer à Fauvillers.

La 5e Cie (moins le peloton de Strainchamps) est attaquée par la 1ère Panzer un peu après 11h30 (heure de la prise de Wisembach par l'ennemi). Elle va résister héroïquement jusqu'aux environs de 18 heures (!), étant depuis 16 heures sous le feu de l'artillerie allemande.

Le peloton de Strainchamps, attaqué dès 10 heures par les éléments de tête de la 2e Panzer, résiste si bien que la lutte dure jusqu'à 17h30 (!).

Signalons aussi, plus au Nord, l'admirable défense de 2 pelotons de la 3e compagnie du 3e Chasseurs Ardennais, à Chabrehez, contre l'avant-garde de la 7e Panzer du bientôt fameux général Rommel. Les Chasseurs ardennais étaient de toute première valeur, mais la 1ère DChA ne reçut absolument aucune aide de la 1ère DC, l'autre division du Groupement K, et dut bien entendu obéir aux ordres du général Keyaerts concernant le repli.

 

3. - LE REPLI GÉNÉRAL DES CHASSEURS ARDENNAIS SUR LA POSITION D'ARRIÈRE-GARDE (8) (voir carte)

(8) Résumé de ce qui a paru dans la RBHM. N° XXI-2 de juin 1975, pp. 136 à 138 (+ carte).

A 11h20, le général Descamps, commandant la 1ère DChA, annonce au Groupement K que vu le débordement par le Sud (à Martelange), et la présence des aéroportés ennemis à Léglise et Traimont, il envisage le repli du 1er ChA sur le chemin de fer Bastogne-Libramont, en deux bonds.

A 12h40, le Groupement K dit à la 1ère DChA que si le 2e ChA devait abandonner la lisière Est de Bastogne, il se reporterait à la lisière Ouest, toujours en liaison, au chemin de fer, avec le 1er ChA.

C'est à 15h20 que le 2e ChA reporte sa défense à l'ouest de Bastogne, mais, vers 18h45, sous la pression ennemie, il doit retraiter. Au 1er ChA, les bataillons n'arrivent au chemin de fer de Libramont que vers 18 heures, le bataillon Sud (IIe) en très mauvais état car il n'a pas reçu à temps l'ordre de repli (lancé à 13h30). Les chasseurs se sont battus comme des lions, mais sur place conformément aux ordres initiaux, au lieu de pratiquer une défensive de retraite pour laquelle ils avaient été instruits (9); aussi ont-ils été encerclés par les forces ennemies immensément supérieures, et leurs pertes sont très lourdes.

(9) CDH (Centre de Documentation Historique des Forces Années belges, ex-Section Historique): Histoire de la 2e DChA par le général Ley, qui commandait la DChA jusqu'à la mobilisation d'août 1939, puis la 2e DChA lors du dédoublement de la DChA en une 1ère et une 2e divisions.

A 16h45, le général Descamps avait dit qu'en cas de perte de la position du chemin de fer Bastogne-Libramont, la défense serait reportée sur l'Ourthe occidentale (ligne Nisramont-Libramont), mais à 18h45, le général Keyaerts ordonne le repli «à la chute du jour», d'emblée sur la Position d'Arrière-Garde, c'est-à-dire l'Ourthe de Petit-Han à Comblain-au-Pont.

 

4. - LES ALLEMANDS, LE SOIR DU 10 MAI, DANS LE SECTEUR ASSIGNÉ À LA 5e DLC FRANÇAISE

En allant du Nord vers le Sud du «front», nous avons:

- la 2e Panzer: ses éléments avancés sont tout juste à l'ouest de Menufontaine;

- la 1ère Panzer: son avant-garde est déployée à l'ouest de Fauvillers;

- la 10e Panzer: l'IRGD, en tête, occupe la ligne générale Marbehan (ex)-Poncelle;

- les aéroportés (gros du III/IRGD):

- le groupe Sud (Garski) a réalisé sa jonction avec les éléments avancés de la Ire Panzer, vers 16h30, entre Fauvillers et Bodange

- le groupe Nord (Obermeier), refoulé par les Français, est dans un bois au nord de Nives.

Grâce aux Chasseurs ardennais et aux Français de la 2ème DLC (devant la 10e Panzer), les Allemands sont donc loin d'avoir atteint leurs objectifs du jour, c'est-à-dire Libramont pour la 2e Panzer, Neufchâteau pour la 1ère, et Florenville pour la 10e.

 

II- LA 5e DLC FRANÇAISE

1. - L'ALERTE

La 2e Armée française a été alertée à 5h20 (10). A l'état-major de la 5ème DLC, on note (ll):

- 5h40: coup de téléphone «Alerte Tilsit I»; - 6h23: toutes les unités prévenues;

- 7h20: reçu mesure Wagram (= ordre d'entrer en Belgique);

- 7h50: ordre téléphoné: franchir la frontière immédiatement par DD et DSE, et à 8h30 par les avant-gardes (des Gros).

(10) SHF (Service historique de l'Armée française au Château de Vincennes): 2e Armée: 3e bureau (Opérations), cartons 52 et 66. Ornano: La 5e DLC dans les Ardennes, p. 18.

(11) SHF: 5e DLC: carton 78, p. 30.

Notons que, d'après leurs archives, la Cie de sapeurs-mineurs n° 34/1 a été alertée dès 4h45, et le 12e GRCA à 5 heures.

 

2. - CHEZ LES BELGES

Au Groupement K on note:

- 6h52: de l'EMGA: les troupes franco-britanniques peuvent pénétrer librement sur notre territoire;

- 7h00: à la 1ère DChA: ouvrir les routes allant vers le Sud;

- 7h 15: à la Gendarmerie de Bouillon: ouvrez tous les obstacles. Ndlr: Il y a déjà près de deux heures et demie que l'attaque allemande a été déclenchée (4h35). Et, hélas, ouvrir les obstacles, c'est plus vite dit que fait. Les 2 escadrons de lanciers qui étaient à la Semois sont partis vers le Nord (le ler à 6h50, le 4e à 7h45); les gendarmes et douaniers, aidés par des civils, font ce qu'ils peuvent mais, dans bien des cas, ils n'ont pas achevé le travail et des obstructions causeront des retards aux troupes françaises.

- 7h50: ordre à la Gendarmerie de Bouillon de prévenir de l'arrivée des Français.

La Gendarmerie de Bouillon signale:

- 8h05: le lieutenant français Collin, du 265e RI, vient de passer avec 20 motocyclistes; il a dit que les motorisés suivent (12);

- 8h20: le 5e RAM passe à Bouillon et roule vers Paliseul;

- 9h 15: le 12e Chasseurs à cheval passe à Bouillon en direction de Paliseul. Troupes à cheval passent depuis une heure et demie. Ndlr: Les gendarmes disent que les Français vont vers Paliseul, puisqu'ils empruntent le route du Nord. Mais au carrefour, à mi-chemin de Paliseul, la plupart des unités prendront, à droite, la direction de Recogne et Libramont.

(12) II faut sans doute lire «295e RI», dont le 1er bataillon, comme dit plus haut, est mis aux ordres de la 5e DLC et doit aller prendre position sur la Semois. Selon toute vraisemblance le lieutenant Collin appartient à l'unité de reconnaissance régimentaire, et doit progresser un peu au-delà de la Semois, en mission de couverture.

 

III. - LA PROGRESSION DES DÉTACHEMENTS DE DÉCOUVERTE (DD) ET DES DÉTACHEMENTS DE SÉCURITÉ ELOIGNEE (DSE)

1. - DEVANT LE GROUPEMENT OUEST DE LA DIVISION

a) Le DD.1 du commandant Rougier sur l'itinéraire principal (Bouillon... Libramont... Houffalize)

Le DD.1 du commandant Rougier doit progresser vers Libramont en Houffalize. II franchit la frontière au sud de Bouillon à 8h25, est à la Semois à 8h45, et à 9h45 en vue de Libramont. A Recogne, une fraction doit emprunter un itinéraire sur le flanc Nord, par Saint-Hubert, puis rejoindre le gros au carrefour de Bonnerue-Pironpré.

(1) La fraction du DD.1 qui passe par Saint-Hubert

Il se fait qu'à Saint-Hubert se trouve le quartier général du Groupement K. D'après les carnets de campagne de l'état-major du général Keyaerts, c'est à 9 heures 50 que le premier détachement français est entré dans la ville (13). Cette fraction du DD.1 qui passe par Saint-Hubert prend ensuite, à droite, la route de Bonnerue, pour aller se ressouder au gros du détachement au carrefour de Bonnerue-Pironpré. Le lieutenant Gillet, officier de matériel du Ier bataillon du ler Chasseurs Ardennais, qui, à l'aube, venant de Morhet, a regroupé son charroi le long de la route Saint-Hubert/Bonnerue, à environ un kilomètre au nord-ouest du carrefour de Pironpré, écrit:

«9 heures 15: prise de contact avec un lieutenant français commandant un détachement motorisé (motos et blindés) et se rendant vers Houffalize. Ce lieutenant est entré en Belgique vers 7 heures».

(13) CDH: Grt. K: CC/1er bureau: 9h50.

Quelle fut l'attitude des Belges, militaires et civils, lors du passage des Français à Saint-Hubert? Le lieutenant Haibe, de l'état-major du Groupement K, a raconté au lieutenant Hautecler (14): «Nous entendions jusqu'au PC les cris enthousiastes de la population, qui parvenaient presque àcouvrir le bruit des engins français. L'officier de liaison de la 2e Armée entrait bientôt au PC. Je me rappelle l'émotion que sa présence nous causa, il était pour nous l'image de nos garants volant a notre secours».

(14) CDH: Grt. K: document n° 10: Souvenirs du lieutenant Haibe, recueillis en captivité, le 2/8/40, à I'Oflag IX A/Z (Rotenburg an der Fulda) par le lieutenant Hautecler.

Mais pour ce qui est de la collaboration militaire avec les Français, c'est autre chose. Le capitaine de Selliers de Moranville écrit en effet (15):

«Vers 10 heures arrive un commandant, officier de liaison de la 2e Armée française. Je lui remets un croquis donnant la situation de nos troupes, et un croquis de nos destructions. Je lui fais connaître notre plan d'opérations et de mises à feu. Il est très étonné ..., il s'élève contre notre plan de destructions qui, à son avis, va empêcher les troupes française de parvenir à leurs objectifs... Le Groupement K a reçu l'ordre du GQG d'opérer en toute indépendance des troupes alliées et sans essayer d'adapter st mission à celle de ses voisins».

(15) CDH: Grt. K: document n° 16: Rapport du capitaine de Selliers de Moranville, chef du 1er bureau (Opérations), rédigé à Londres le 4/2/1942.

D'après le lieutenant Hautecler, le lieutenant Haibe a confirmé cet état d'esprit:

«Les Français voulaient qu'on ouvre les barricades, de façon à passer au-delà du dispositif de défense de la 1ère Division de Chasseurs Ardennais. Il n'en était pas question, et le général leur opposa une fin de non-recevoir fermement polie».

(2) Le gros du DD.1 passant par Libramont

A 9h 15, la Ire compagnie du 2e Chasseurs Ardennais, qui tient l'important noeud routier de Recogne-Libramont (16), signale à l'état-major régimentaire que 3 autos-mitrailleuses françaises et plusieurs side-cars sont au pont de Libramont (17). Ce sont les premiers véhicules du gros du DD.1. Les Français seront contraints de marquer là un sérieux temps d'arrêt; rappelons-nous en effet que dès 2h10 le Groupement K a ordonné la fermeture de toutes les obstructions non situées sur les itinéraires de repli (d'orientation générale Sud-est/ Nord-ouest) des Chasseurs ardennais. Or, la route Libramont-Houffalize, allant du Sud-ouest au Nord-est, n'est pas un itinéraire de repli...

(16) II y avait dans les Ardennes un système de fortification, construit de 1931 à 1935, c'est-à-dire a l'époque du ministre de la Défense Nationale Albert Devèze, et comprenant 309 «abris» ou casemates, dont 8 autour du noeud routier appelé étoile de Recogne, pouvant ainsi être défendu tous azimuts. Mais, à l'autonme de 1939, lorsque l'Armée belge mobilisée dispose la majorité de ses forces «face au Sud», elle fait construire dare-dare (même de nuit, à la lueur de projecteurs), à Recogne et Libramont, 12 abris énormes à 2 ou 3 embrasures: 8 à l'étoile de Recogne, formant un arc de cercle concentrique à celui de 1934, à l'intérieur de celui-ci: 4 à Libramont, formant un demi-cercle adossé au chemin de fer, et ne pouvant tirer que vers le Sud (!) (A. Bikar: Les ouvrages de fortifïcation belges en 1940: Les abris des Ardenees, in RBHM, n° XXI-4 de décembre 1975, pp. 361 à 415 + photo, et 2 cartes).

(17) 1ère Cie/2e ChA: 91115: CC/2e bur. Crt K: 10h05- «arrivée des Français à Libramont».

Le 2e Chasseurs Ardennais tient la région de Bastogne avec 6 de ses compagnies (18). Son PC est à Sprimont-lez-Amberloup. A 9h30 ce PC répond à la compagnie de Libramont : «Dirigez les Français vers Bastogne». Mais la compagnie rétorque, à 10 heures: «Les Français se dirigent vers Houffalize; c'est un détachement de découverte, commandant Rougier». Le commandant Rougier doit, d'après ses ordres, aller à Houffalize en passant par Amberloup et Bertogne, et non par Bastogne. Au carrefour de Bonnerue-Pironpré, la fraction venue par Saint-Hubert rallie le gros du DD.1, et le commandant Rougier continue à progresser vers Amberloup; peu après, il arrive au hameau de Sprimont. Là, du PC du 2e Chasseurs Ardennais, le message suivant est téléphoné à Saint-Hubert, au QG du Groupement K:

«Une colonne française de 2 pelotons moto et 2 pelotons de chars (Ndlr: il s'agit évidemment de AMD Panhard, et non de chars) vient de prendre contact avec le PC. Le commandant de colonne a pour mission de se rendre à Houffalize. Impossible qu'il dépasse Mabompré, vu destructions. Cette colonne peut-elle déboucher de Bastogne? Allemands signalés à Bourcy et Hardigny. Le commandant de la colonne française se porte provisoirement à Bastogne».

(18) Le 3e ChA (PC à Sprimont) tient le front Villereux-Bastogne-SaIvacourt avec 2 bataillons (Ile au Sud: 4e. 5e et 6e Cie: IIIe au Nord: 7e, 8e et 9e Cie). Le Ier bataillon est sur la Position d'Arrière-Garde de l'Ourthe avec ses 2e et 3e Cie. La 1ère Cie est à Libramont, et tactiquement elle dépend directement de l'état-myor du Groupement K.

D'après le carnet de campagne du ler bureau de l'état-major du Groupement K, il est à ce moment-là 10h40. Que répond le Groupement au message du 2e ChA?: «Ne pas ouvrir les barricades».

En somme, il est signifié aux Français que, sur la route de Houffalize, ils ne pourront pas dépasser Mabompré, et que s'ils préfèrent courir sus à l'ennemi par Bastogne, on ne leur ouvrira pas les barricades par lesquelles ils pourraient déboucher de la ville, vers l'Est. C'est d'autant plus navrant qu'à ce moment-là les Allemands sont encore loin de Houffalize et même de Bastogne: à Bourcy et Hardigny il n'y a que quelques éclaireurs ennemis. Bourcy (8 Km NE de Bastogne) est sur l'itinéraire Nord, et Hardigny (10 Km N-NE de Bastogne) sur l'itinéraire Sud de la 3e Infanterie Division (ID) allemande. L'avant-garde du groupement Nord de cette ID se compose de l'escadron cycliste divisionnaire, renforcé par un peloton antichars (3 canons de 37) et une escouade de pionniers du 8e Infanterie Regiment (IR). D'après les documents allemands, elle a atteint la frontière belge peu après 9 heures, et ce n'est que vers 14 heures qu'elle entrera en contact avec la position belge, au nord de Vaux (3 Km à l'ouest de Hardigny). L'avant-garde du groupement Sud de cette 3e ID comprend la 9e Cie et un peloton de la 14e Cie antichars du 29e IR, ainsi que des pionniers. D'après les documents allemands, après avoir dépassé Bourcy, elle entre en contact avec la position belge vers 16 heures seulement (19).

(19) CDH: photocopies de documents allemands: archives des 3e et 32e divisions.

Ces deux avant-gardes allemandes étaient évidemment précédées par des éclaireurs. Le commandant de la 9e compagnie du 2e Chasseurs Ardennais signale leur arrivée à la barricade de Mabompré à 12h25. Pris à partie par les fusils-mitrailleurs des Chasseurs ardennais, ils n'insistent pas et se dissimulent dans les bois.

Et à Houffalize? La 32e ID allemande, qui marche au nord de la 3e, a pour objectif le tronçon Houffalize-Dinez de la grand'route Liège-Arlon. Sur l'itinéraire Nord, le groupe de reconnaissance divisionnaire n'atteint la ligne Brisy-Cetturu (4 Km à l'est de Houffalize) qu'à 13h45. Le 96e IR, qui marche sur l'itinéraire Sud de la division, est arrêté devant une obstruction sur la route de Tavigny, 800 mètres à l'est de Houffalize, à 17h45. C'est dire à quel point le DD.1 du commandant Rougier aurait pu atteindre Houffalize bien longtemps avant les Allemands... s'il n'y avait pas eu les obstructions belges: la barricade de Mabompré et les abattis réalisés à partir de 2h25 sur la route de Mabompré à Houffalize.

Houffalize, au fond d'une cuvette, est difficilement défendable. Mais on peut facilement faire du combat retardateur d'abord sur les crêtes à l'Est, puis sur celles à l'Ouest, et interdire ainsi à l'ennemi de déboucher de la ville et de prendre les routes de Laroche et de Mabompré-Amberloup.

Revenons maintenant à l'état-major du Groupement K, pour voir ce qu'on y pense du DD.1 du commandant Rougier. A 10h45, la mention suivante est inscrite dans le carnet de campagne du 1er bureau (celui des Opérations): «Ce détachement (DD.1) se porte à Houffalize par Compogne, Bonnerue, Wibrin, Mont, Fontenaille» (20). Pourquoi ce détour par Fontenaille, qui est à 4 Km au nord de Houffalize? De là, la petite ville ne sera pas plus accessible que par Mabompré, puisque les destructions ont été opérées sur tout son pourtour (voir carte). Mais Fontenaille est justement à la lisière Sud du terrain tenu par la 10e compagnie (la compagnie motocycliste) du 3e Chasseurs Ardennais, dont les 3 pelotons sont respectivement à Montleban, Sommerain et Taverneux. Le 3e Chasseurs Ardennais tient la position de la Salm, et devra se replier après les 1er et 2e régiments, qu'il doit couvrir pendant leur remontée vers le Nord, jusqu'à la position de l'Ourthe. Or, la 10e compagnie du régiment acte à son carnet de campagne que les Allemands sont devant Sommerain à 1Oh25, et sur la route de Houffalize à Taverneux à 10h40. A 11h05, le commandant de l'unité envoie une estafette au colonel, pour annoncer que ses pelotons de Sommerain et de Taverneux sont au contact de l'ennemi. Il ne s'agit que de quelques éclaireurs du groupe de reconnaissance de la 32e ID, dont nous avons déjà dit un mot. Mais le voisin du Nord de cette ID n'est autre que le général Rommel avec sa 7e Panzer Division, dont peu après le bataillon motocycliste bouscule le peloton de Montleban, puis obliquant vers le Nord-est, attaque Chabrehez. L'héroïque combat livré dans ce petit hameau par la 3e compagnie du 3e Chasseurs Ardennais a été fort bien décrit par le commandant Hautecler (21).

(20) II y a 2 «Bonnerue»: le petit village situé entre Bertogne et Houffalize (c'est de lui qu'il est question ici), et un petit hameau près du croisement des routes Libramont-Houffalize et Saint-Hubert-Morhet. Ce carrefour est dit de Pironpré ou de Bonnerue. II en est question à propos du repli du I/1er ChA; c'est la 10e Cie/2e ChA qui le fait sauter, le 10 mai à 23h30.

(21) Hautecler (commandant): Chabrehez (brochure publiée par l'Etat-major général de l'Armée en 1955).

La présence des Allemands à Montleban, Sommerain et Taverneux a tout de suite inquiété le colonel du 3e Chasseurs Ardennais, qui sait que Houffalize n'est pas défendu, et qu'il y a une trouée de 11 kilomètres, - où le terrain, il est vrai, est peu praticable -, entre sa 10e compagnie et la compagnie Nord (la 9e) du 2e Chasseurs Ardennais, à l'ouest de Mabompré. C'est probablement parce qu'il partage cette inquiétude - même s'il n'a pas encore reçu la nouvelle de l'arrivée là-bas des Allemands -, que le général Keyaerts, à 10h45, a orienté le DD.1 de la 5e DLC vers cet endroit, en donnant l'itinéraire que l'on sait. A 11 heures, le capitaine de Selliers, chef du lerbureau de l'état-major du Groupement K, téléphone au 3e Chasseurs Ardennais pour dire:

«Une reconnaissance française va être portée à Houffalize via Nadrin et Wibrin. Prévenir la 10e compagnie».

Le capitaine Wauthoz, adjudant-major du 3e Chasseurs Ardennais, note dans son cahier:

«11 heures: le commandant du Groupement K nous avertit qu'une reconnaissance française motorisée va être portée à Houffufize via Nadrin et Wibrin. Joie énorme au PC régimentaire au reçu de cette communication: le sud de notre position sera solidement appuyé».

Disons tout de suite qu'à la fin de l'après-midi du 10 mai, il y aura réellement des Français à Wibrin, mais ce sera un DD de la 1ère DLC, de la 9e Armée (22) car le DD.1 de la 5e DLC (de la 2e Armée), dont il est question à 10h45 et à 11 heures au Groupement K et au 3e Chasseurs Ardennais ne franchira pas l'Ourthe au nord de Bonnerue: des destructions vont l'arrêter.

(22) A. Bikar: La 1ère DLC française à l'est de la Meuse, les 10, 11 et 12 mai 1940, in RBHM, n° XXVI-2 de Juin 1985, pp. 137 à 159, et XXV I-3 de septembre 1985, pp. 175 à 210; voir spécialement les pp. 140, 141, 175 et 176, concernant le DD du capitaine Garnier.

Dans quelle mesure en effet, l'itinéraire Compogne, Bonnerue, Wibrin, Mont, Fontenaille sera-t-il encore praticable, lorsque le commandant Rougier arrivera à Compogne? Les destructions du groupe Bertogne ont sauté dès 5h17. Le petit détachement du lieutenant Deflines (3 chars légers T.15 et un groupe moto de la 10e compagnie du 2e Chasseurs Ardennais), qui est dans la vallée de l'Ourthe orientale (Houffalize-Nisramont) pour assurer la liaison entre le 2e et le 3e Chasseurs Ardennais, recueille dès 5 heures les équipes de destruction de Houffalize. Le lieutenant se trouve à ce moment-là au pont de Rentimez, et une partie de son détachement est plus à l'Est, au pont de Suhet. Ce pont est obstrué vers 11 heures. Il serait dès lors impossible aux véhicules du DD.1, venant de Compogne et Bonnerue, de traverser l'Ourthe pour aller à Wibrin. Le pont de Rentimez sautera vers 15h30.

Pendant ce temps, qu'advient-il du DD.1? A 13 heures, le colonel Merckx, commandant le 2e Chasseurs Ardennais, téléphone au Groupement K: «Les Français sont arrivés à Compogne: 2 pelotons moto et 2 pelotons d'autos blindées. Attaque en préparation». Réponse du Groupement K: «Mettez-vous en rapport avec l'officier français commandant ce détachement. Général d'accord». Pourquoi le général n'aurait-il pas été d'accord? Le major Danloy, commandant le IIIe bataillon du 2e Chasseurs Ardennais (PC à Bertogne), écrit dans sa relation des événements:

«Vers 13 heures, arrivée à Bertogne d'un détachement de blindés français, commandé par un commandant d'escadron. Je le mets au courant de la situation, lui signalant entre autres que ma gauche n'est pas garnie. Il m'écoute à peine, dit qu'il doit aller à Houffalize, bien que je lui déclare la chose impossible à cause des destructions réalisées. J'insiste sur la trouée non gardée qui est au nord de la position, et le commandant des blindés français décide d'envoyer deux blindés en reconnaissance à l'est de Bonnerue et d'installer le gros de ses forces, - une douzaine de blindées et des motos, - à Compogne. II place également deux blindées à hauteur de la position de la 9e compagnie, sur la route de Mabompré. Elles interviendront vers 17 heures sur l'ennemi qui progresse par la route de Houffalize, et sur des vélos déposés par l'ennemi le long de la dite route».

Le commandant Maton, commandant la 9e compagnie, signale dans son compte rendu que le détachement français du 5e RAM, comprenant 8 autos blindées et des motos, arrive à Compogne:

«Première prise de contact avec nos alliés. J'oriente le commandant du détachement sur la situation et le dispositif (le la compagnie. L'officier français voudrait gagner Houffalize. Impossible: obstructions, champ de mines et des destructions sautées. De plus, l'ennemi est à Mabompré. Une auto blindée intervient. L'ennemi ne riposte pas. Je demande au chef du détachement d'autos blindées de patrouiller sur mon flanc gauche découvert, Jusqu'au gué d'Achouffe où se trouve un de nos chars T. I S en surveillance. J'obtiens satisfaction».

Hélas, les choses ne vont pas tarder à se gâter entre Belges et Français.

Peu après 18 heures, le commandant du IIIe bataillon du 2e Chasseurs Ardennais reçoit l'ordre de repli, et le transmet à ses compagnies (la 9e le reçoit à 18h27). D'abord les compagnies Sud et Centre (7e et 8e), puis la 9e pour laquelle l'heure H est 18h45 et dont le peloton Centre, sur la route de Mabompré, doit décrocher en dernier lieu. Itinéraire prescrit: Bertogne, Ortho, Laroche, Hotton, Tohogne. Sans combat retardateur, et sans arrêt (23). Cet itinéraire est orienté vers le Nord/Nord-ouest, c'est-à-dire qu'il est perpendiculaire à la direction générale Nord-est/Sud-ouest qui est celle des Allemands comme des Français.

(23) Morsomme: Face au Devoir (Historique du Bataillon moto de Chasseurs ardennais, qui le 10 mai était à Laroche), p. 47: «19h06: le colonel Merckx (Comd le 2e ChA) demande par téléphone de prévenir le major Danloy (Comd le Ille Bon) qu'au lieu de s'arrêter à hauteur de l'Ourthe à Ortho, il doit se replier sans désemparer». Le sergent Morsomme part à moto pour remettre le message au major Danloy, qu'il trouve sur la place d'Ortho). CDH/JC/1ère DChA: « 19h05: au 2e ChA: il n'y aura pas d'arrêt sur l'Ourthe occidentale».

Le major Danloy, dont les compagnies doivent se rassembler à Bertogne, aimerait que le décrochage soit protégé par les Français:

«Je compte que les autos blindées françaises vont m'aider, et je vais au PC du commandant Maton, à Compogne, pour voir le commandant français. Je lui expose la situation. Il répond oui d'un air absent. J'insiste. Il dit oui mais me demande mon itinéraire de repli, que je lui répète (je lui avais montré auparavant par où les routes ne seraient pas obstruées)».

Pourquoi cette attitude du commandant Rougier? Le commandant Maton nous le dit:

«Vers 19h15 j'avais fait demander l'appui des autos blindées du détachement français afin de faciliter le décrochage de mes pelotons. Deux blindées interviennent par quelques rafales, puis se replient nous abandonnant à notre sort. La principale préoccupation du chef du détachement était de voir maintenir la voie libre vers Libramont, pour son repli. II entre plusieurs fois en contact par téléphone à ce sujet avec le commandant de bataillon et même le commandant du régiment».

Le major Danloy, revenu à Bertogne, à son PC, regarde dans la direction d'où doit venir sa 9e compagnie; il écrit:

«Voici un peloton de la 9e, puis un deuxième, puis une section de Mi, puis le commandant Matou qui gesticule près de l'obstruction (sur la crête, entre Compogne et Bertogne). II me dit que son peloton Centre, sur la route de Mabompré et au Sud, est accroché depuis que les Français ont abandonné le terrain, avant même que la compagnie démarre».

Il faut tout de même ajouter que ce bataillon, à l'aube, avait en appui 8 chasseurs de chars T.13 (de la 11e Cie régimentaire antichars). Deux pièces lui furent prélevées dans la matinée. Au moment du repli il en avait donc encore 6, et ces engins chenillés étaient tout spécialement prévus pour couvrir les décrochages, et faire l'arrière-garde des colonnes. Les 6 pièces en cause arriveront sans problème à la «Position d'Arrière-Garde» (Ourthe de Petit-Han à Comblain). Essayons maintenant d'imaginer l'état d'esprit du commandant Rougier, chef du DD.1. II a pour mission d'aller au plus vite et aussi loin que possible chercher le contact avec les Allemands, à Houffalize ou au-delà, afin de ralentir leur avance, tout en cherchant à obtenir des renseignements sur la force, la nature et la direction de leurs colonnes. Or, depuis qu'il a franchi la frontière belge, il a constamment été ralenti ou contrarié dans ses mouvements par des palabres et par les destructions belges. Pendant ce temps-là l'ennemi avance. Arrivé à Bertogne, Rougier se rend compte non seulement qu'il est bloqué vers l'avant et sur les côtés, mais aussi vers l'arrière, et que les Belges continuent leurs destructions sans se soucier de lui, ne laissant praticable que leur propre itinéraire de repli en direction du Nord-ouest, un peu comme s'ils s'écartaient pour laisser passer les Allemands qui, eux, et tout le monde le sait, progressent vers l'Ouest ou le Sud-ouest. Et ces Belges qui se replient sur ordre et non sous la pression ennemie, invitent Rougier à protéger leur décrochage alors qu'ils ont des engins chenillés tous terrains, aptes à cette opération (les canons de 47 des T.13 tirent un obus antichars mais aussi un obus explosif antipersonnel; les T.13 ont en outre un FM). Or, Rougier n'a que des autos mitrailleuses de découverte, à roues, faites pour les grands raids, les reconnaissances à longue distance et le harcèlement de l'ennemi, et non pour appuyer des fantassins, même  cyclistes.

Les Belges accusent Rougier de partir un peu tôt. Non seulement il n'est pas trop tôt, mais il est trop tard! Car la seule direction de repli concevable, pour Rougier, c'est évidemment non latéralement mais vers l'arrière, à reculons, face à l'ennemi, et en le ralentissant. Or cet itinéraire vers l'arrière, les Belges ont commencé à l'obstruer, et continuent à le faire. A 15h53, on inscrivait déjà, dans le carnet de campagne de l'état-major du 2e Chasseurs Ardennais:

«Les barricades ne peuvent être ouvertes pour le détachement français. Ce détachement se repliera par Bertogne, Ortho, Tenneville, barrière Hinck, route de Libramont».

Quand le DD.1 quitte Bertogne, en dépit du désir de rester sur son axe Houffalize-Libramont, il est en effet obligé de prendre la route d'Ortho. Arrivé dans cette localité, il prend vers le Sud-ouest pour rallier la route Houffalize-Libramont par Ortheuville, puis la route Champlon-Bastogne jusqu'à la barrière Hinek. Là, revenu sur son axe, il se postera, puis en cas de nécessité se repliera vers Amberloup et Libramont. Hélas! le DD.1 n'est pas au bout de ses avatars: arrivé à la barrière Hinck, il devra faire demi-tour, c'est-à-dire reprendre la route de Champlon... jusqu'à Marche!

Que s'est-il passé? La route Bastogne-barrière Hinek-barrière de Champlon est justement le chemin de retraite du IIe bataillon du 2e Chasseurs Ardennais, et, au moment où le DD.1 roule d'Ortheuville vers la barrière Hinck, le bataillon belge arrive en sens inverse, son arrière-garde procédant aux obstructions et destructions au fur et à mesure de son repli. Le major Delvaux, en tête de son bataillon, évoque comme suit l'incident (24):

«Au moment où je descends vers le pont d'Ortheuville, je rencontre le capitaine Geerts, qui me dit qu' une colonne motorisée française vient de franchir le pont se dirigeant vers Bastoane (25). Je n'ai pas vu le commandant de colonne. Avant que j'aie eu le temps de faire demi-tour à Ortheuville et de rebrousser chemin pour aller lui expliquer la situation, ce commandant de colonne sera arrivé à la barrière Hinck, où il sera arrêté par la 5e compagnie qui fait l'arrière-garde. Les routes allantde cctcndroit vers Houffalize, Bastogne et Librarnont sont couvertes d'obstructions. Après une heure de discussion, les motorisés français font demi-tour».

(24) CDH: archives du 2e ChA: Ile Bon, documents 2b (cahier du major Delvaux) et 3a (manuscrit du major Delvaux).

(25) Ni le major Delvaux ni le capitaine Geerts ne peuvent savoir que le commandant Rougier n'a pas l'intention d'aller jusqu'à Bastogne, mais bien de s'arrêter à la barrière Hinck, pour retraiter plus tard par la route d'Amberloup et de Libramont.

Et voilà le commandant Rougier et sa colonne en route vers Ortheuville et la barrière de Champlon, qui est dans le secteur de la 1ère DLC, et où se trouve posté le DD Sud de cette division, commandé par le lieutenant de Vibraye (26). On ne sait ce que Rougier et de Vibraye se sont dit. Mais ils n'ignoraient évidemment pas qu'à ce moment-là le DD Nord de la 1ère DLC était à Bérisménil, soutenu par un détachement à Laroche, et que le Détachement de Sûreté éloignée (DSE) de la 5e DLC était établi sur la ligne Laval-Morhet. La barrière de Champlon étant un noeud routier important, et déjà en retrait par rapport à l'alignement Laroche-Laval, il ne pouvait être question de l'abandonner.

(26) CDH: archives 7e Esc/3e ChCh: rapport du Cdt Delattre: «Dans le courant de la journée, passages d'estafettes françaises, puis dans l'après-midi d'un peloton français qui stationne à la barrière, et se retire dans la soirée»; archives 11e Cie (antichars) du 2e ChA: relation du Cdt Schreer: «10 mai à 19h, retour à la barrière de Champlon, ou je rencontre le SLt Marth, qui commandait les T.13 au point d'appui de Bastogne. Des motorisés français ont pris position à la barrière»; voir renvoi (22): pp. 142 et 143: lieutenant de Vibraye et les Belges à la barrière de Champlon.

Mais il y a le plan belge des destructions! A la barrière de Champlon se trouve le commandant Delattre, commandant le 7e escadron (blindé) du 2e Chasseurs à cheval belge, avec un de ses pelotons (2 chars légers T.15 et 2 T.13), dont la mission est d'attendre le IIe bataillon du 2e Chasseurs Ardennais, puis de protéger l'équipe du Génie chargée de faire sauter tout: carrefour et routes qui y arrivent, et notamment celles de Nassogne et de Saint-Hubert, qui constituent les chemins de repli normaux des Français. Le major Delvaux et son bataillon arrivent bientôt. Le major écrit:

«Deux groupes motorisés français m'attendent à la barrière de Champion. Voyant que je suis décidé à remplir la mission dontje suis chargé, les deux commandants de groupe retournent vers Marche. Les destructions, sur les routes de Saint-Hubert et de Champlon sont exécutées. Après avoir fermé Ia barricade à hauteur de la gendarmerie, la troupe continue son repli. Il reste une destruction dans le bois de Champlon. Après sautage, la 5e compagnie, protégée par les éléments du 2e Chasseurs à cheval, se replie vers la position de l'Ourthe».

Et voilà les deux détachements français en route vers le Nord, - seule direction encore praticable -, bien malgré eux. Le DD de Vibraye s'arrêtera à Chavannes. Le DD Rougier parcourt lés 7 kilomètres qui le séparent encore de Marche pour aller s'y procurer de l'essence, puis, par Rochefort, roule en direction de Libramont pour aller reprendre sa place dans le dispositif de sa division (27).

(27) - Richecourt: La Guerre de Cent Heures, p. 39: «Elle (la Découverte Ouest de la 5e DLC) va jusqu'à Achouffe où se trouvent des Chasseurs ardennais qui en se repliant dans la soirée, n'hésitent pas à faire jouer les destructions derrière elle. Elle est obligée, pour se replier dans la nuit, de faire un grand détour par Marche, où elle fera de l'essence».

- Omano: La 5e DLC dans les Ardennes belges, p. 19: «..., destructions du plan belge, si bien que le DD. 1 se trouve en fin de journée absolument coupé du reste de la division.»

- SHF: archives 5e DLC: carton 78, p.30: compte rendu: «Le détachement de couverture de gauche, qui est arrivé rapidement dans la région d'Houffalize, sera fortement gêné pour son repli par les destructions belges opérées bien que connaissant la présence des éléments français devant eux».

b) Un «DD-DSE» sur- l'itinéraire secondaire (Paliseul... Libin... Saint-Hubert)

Sur l'itinéraire secondaire du Groupement Ouest de la 5ème DLC, où marche le 64e GRDI, il n'y a pas un DD et un DSE distincts, mais un «DD-DSE», c'est-à-dire un détachement unique, remplissant à la fois les missions de découverte et de sécurité éloignée. Ce DD-DSE, sous les ordres du lieutenant Josset (du 3e Esc/12e GRCA), comprend: 1 peloton d'AMR du 5e Esc/15e RDP, 2 pelotons moto du 3e Esc/12e GRCA et 1 groupe de 2 canons de 25 (lieutenant Martin) du 5e EDAC. Il semble bien que ce DD-DSE ait progressé sans problème jusqu'à la région située entre Poix-Saint-Hubert et «Les Baraques». Le lieutenant Martin écrit en effet:

«Mes canons sont poussés dans la journée du 10 mai: un au Nord, sur la voie ferrée à voie unique (Ndlr:c'est la ligne vicinale de Paliseul à Saint-Hubert, passant au nord de Libin), un sur la grand'route en direction de Givet (Ndlr: c'est la route de Libin-Wellin-Beauraing-Givet). Après franchissement des destructions belges, mes canons se sont repliés pour la nuit sur le village» (Ndlr: Libin-Bas) (28).

(28) Les destructions belges en question sont celles des groupes «Mirwart-Grupont» (3 ponts sur la Lomme) et «Saint-Hubert» (8 destructions routières autour de Saint-Hubert, et le pont sur la Lomme, 1 Km à l'ouest de Val-de-Poix).

Remarquons que l'unité voisine de gauche du DD-DSE en question était la 3e Brigade de Spahis (3e BS: 2e régiment de Spahis Marocains «2e RSM», et 2e de Spahis Algériens «2e RSA»), grande unité de droite de la 1ère DLC. Le soir du 10 mai, la 3e BS sera établie comme suit (29):

- PC de brigade aux Baraques;

- 2e RSA: PC et 2e Esc aux Baraques; IIe groupe (-3e Esc) au bois de Transinne; moitié du 5e: sud de Mirwart; 1er groupe (-2e Esc, + 3e et moitié du 5e): Daverdisse;

- 2e RSM: PC à Libin-Haut; II + moitié du 5e: Poix-St-Hubert; 3e au passage à niveau du chemin de fer; 4e à droite du 3e; I + moitié du 5e: Maissin.

(29) A. Bikar: La 3e Brigade de Spahis dans nos Ardennes, les 10, 11 et 12 mai 1940. in Revue Belge d'Histoire militaire. N° de mars 1986, pp. 387 à 401.

Le 64e GRDI, dont le PC sera à Libin-Bas, signalera que, sur la transversale 0.2 (le chemin de fer Namur-Arlon), il a pris la liaison vers 18 heures: à l'Est avec le 12e Chasseurs à cheval; «avec le DD-DSE du Lt Josset, qui opère plus au Nord».

c) Le DSE sur l'itinéraire principal (Bouillon... Libramont...)

Le DSE du Groupement Ouest de la 5e DLC est constitué par le 5e escadron «mixte d'AMR et motos» du 15e RDP, commandé par le capitaine Ribes.

A 13 heures, ce DSE arrive à hauteur de la forêt de Luchy, et dépasse l'avant-garde du 12e Chasseurs à cheval.

A 14h55, le DSE occupe son objectif, c'est-à-dire la transversale 0.2: le chemin de fer Namur-Arlon à Libramont. A Recogne, le détachement a pris contact avec la Ire compagnie de 2e Chasseurs Ardennais, et notamment sa fraction chargée des destructions du groupe «LR» (Libramont-Recogne). Il faut croire que la demi-section motocycliste de la compagnie de Sapeurs-mineurs n° 34/l, affectée au DSE, avait pris les devants, car dès midi et demi la 1ère DChA a téléphoné au Groupement K pour signaler l'arrivée de ce détachement du génie français:

«L'officier de garde de LR (Libramont) signale que le génie français est arrivé à Libramont. Il a pour mission de miner le pont de Neuvitlers. Il doit reconnaître le sautage des ponts de Libramont et de Recogne, et coiffer ces deux ponts par un détachement moto».

A 17h 12, la 1ère DChA téléphone au Groupement K:

«Délégation est donnée aux Français pour la mise en feu de LR 1, 5 et 8» (Ndlr: il s'agit du pont de Libramont, du carrefour de Rccogne, et de la route de Fays-les-Veneurs à Recogne, à hauteur de la borne 27,750).

En vertu d'un ordre reçu à 15h15, le DSE a progressé pour aller soutenir le DD. Le soir, ce DSE, qui n'a pu pu prendre contact avec le DD - et pour cause (voir plus haut) -, s'est établi sur la ligne de surveillance qui lui a été prescrite; elle passe par Amberloup, Laval et Morhet. Il n'y a pas de contact avec l'ennemi.

 

2. - DEVANT LE GROUPEMENT EST DE LA 5ème DLC

a) Devant le Sous-CroupementNord, sur l'Axe Neufchâteau-Bastogne

(1) Le DD.2 (Toussaint)

Le DD.2, détachement de découverte du Groupement Est de la 5e DLC, doit progresser sur l'axe Neufchâteau-Bastogne. Il comprend un peloton de 4 AMD et un peloton motocycliste du 5e RAM. Son chef, le capitaine de Canchy étant en permission (il rejoindra dans la nuit du 10 au 11 mai), c'est le lieutenant Toussaint, chef du peloton moto, qui en prend provisoirement le commandement. Toussaint part à 8 heures. Il doit aller «au moins jusqu'à Bastogne», écrit-il.

A Neufchâteau, Toussaint lui-même ou l'un de ses adjoints est entré en rapport avec le PC du 1er Chasseurs Ardennais. Le commandant Krack, adjudant-major du régiment, évoque en effet l'entrevue qu'il eut avec un officier français (30):

«J'ai contacté personnellement le lieutenant chef du premier détachement arrivé à Neufchâteau vers 8 heures 30 ... II m'a déclaré devoir se rendre à la borne ... (j'ai oublié le numéro) de la route Neufchâteau-Martelange; cette borne se situe vers Witry. Ce détachement comportait approximativement un peloton motocycliste».

(30) CDH: archives 1er ChA: rapport du Cdt Krack.

Il s'agissait donc d'une fraction du DD.2, ayant une mission de flanc-garde au sud de l'itinéraire principal Neufchâteau-Bastogne.

D'autres documents belges font mention du passage des Français à Neufchâteau. Mais comme les autorités militaires belges ne connaissent pas l'articulation générale de la DLC (DD, DSE, etc), les annotations trouvées dans les carnets de campagne ne mentionnent généralement pas de quel type de détachement français il s'agit. Quant aux heures notées par les officiers belges, ce sont souvent celles où, - parfois avec un sérieux retard -, ils apprennent les nouvelles et non les heures réelles de passage des Français. De là certaines discordances entre les divers documents d'archives.

Neufchâteau était le siège d'un commandement de district de Gendarmerie dont le chef était le lieutenant Gillet, qui écrit (31):

«Vers 9 heures est arrivée à Neufchâteau une première voiture blindée française avec quelques motocyclistes. Ces derniers ont poussé deux ou trois patrouilles sur la route de Bastogne; la dernière n'est pas revenue. J'avais à ce moment, à la clinique de Longlier, un capitaine aviateur français, le capitaine Laux. II était tombé à Lescheret dans le courant de février, et comme il était gravement brûlé, je l'avais gardé à la clinique comme intransportable. II m'avait toujours demandé queje ne le laisse pas tomber dans les mains des Allemands. Aussi le 10 mai ai-je demandé aux médecins de le faire transporter par ambulance en France. Comme il avait de la fièvre, ils s'y sont opposés. J'ai alors donné un sauf-conduit au docteur Miest, chirurgien qui le soignait. Lequel l'a reconduit en France dans sa voiture personnelle».

(31) Lettre du 17/7/74 du Cdt de gendarmerie e.r. Giillet, à l'auteur.

Conformément aux ordres, le lieutenant Gillet a quitté Neufchâteau le 10 mai vers 18 heures, pour se rendre à Liège, tandis que le personnel du district de gendarmerie locale se repliait sur Philippeville.

Mais revenons au DD.2. Il est «retardé par des abattis» (32), puis «entre en contact avec l'ennemi à 10 heures à Petite-Rosière» (33). Il y a là en effet une fraction du détachement aéroporté allemand (le IIIe bataillon de l'Infanterie Regiment Grossdeutschland, ou «IRGD») de l'opération NIWI, bien pourvu en armes automatiques et en fusils antichars (34). Le terrain ne permettant pas le débordement, Toussaint reçoit l'ordre de rester sur place et de garder le contact.

(32) Richecourt: La Guerre de Cent Heures, p. 39.

(33) SHF: 5e RAM: rapport du Lt Toussaint.

(34) A. Bikar: 10 mai 1940: Hedderich et NIWI: les deux opérations aéroportées allemandes sur petits avions Fieseler Storch, in RBHM, n° de décembre 1974, p. 722 + carte.

(2) Le DSE (Fontant)

Le DSE est constitué par le 1er escadron mixte d'AMR et motos du 15e RDP, comprenant 2 pelotons de 3 AMR et 2 pelotons motocyclistes, chacun d'une quinzaine de side-cars montés par 2 dragons. Au moyen de ces 4 pelotons, on constitue 2 groupements mixtes d'AMR et motos: l'un est commandé par le lieutenant Glasberg, avec le sous-lieutenant Isaac; l'autre est sous les ordres directs du capitaine Fontant, commandant de l'escadron, avec le lieutenant Combet. En un premier temps, le détachement Glasberg doit aller tenir la voie ferrée Namur-Arlon à Semel (3 Km au nord de Neufchâteau), tandis que le détachement Fontant ira à Longlier.

Le lieutenant Glasberg écrit:

«Je pars à 7h30; les barricades à la frontière ont été enlevées. Nous passons à toute vitesse à Muno, puis franchissons la Semois. Je rencontre le DD qui, arrêté par une barricade, a été retardé. A 9 heures mon détachement est à Semel».

 

Glasberg cherche à établir la liaison:

- au Nord, à Verlaine, avec le sous-lieutenant de Villelume (du 5e Esc du 15e RDP), commandant une fraction du DSE du Groupement Ouest de la 5e DLC;

- au Sud, à Longlier, avec le lieutenant Combet du détachement Fontant.

Mais le brave Glasberg a roulé plus vite que ses voisins: ses agents de liaison reviennent, disant qu'à gauche comme à droite, personne n'est encore arrivé au chemin de fer. Soucieux de tenir celui-ci sur toute la largeur du sous-secteur du Groupement, le lieutenant scinde son détachement en deux fractions: l'une, avec lui-même, se porte à Longlier, tandis que l'autre, avec Isaac, reste à Semel.

A 11 heures, le détachement Fontant arrive à Longlier, et Glasberg retourne à Semel.

A midi, le capitaine Fontant et son détachement reprenant leur progression vers Bastogne, Glasberg reçoit l'ordre d'étendre sa droite jusqu'à Longlier inclus.

(3) Le DD.2 (Toussaint) et le DSE (Fontant) font leur jonction à Petite-Rosière

A 15 heures 15, le capitaine Fontant, avec sa fraction du DSE, arrive à Petite-Rosière, et fait sa jonction avec le DD.2 du lieutenant Toussaint. Fontant prend le commandement de l'ensemble. Comme entre-temps les avant-gardes des Gros sont arrivées au chemin de fer Libramont-Neufchâteau, le détachement Glasberg est devenu disponible et Fontant l'appelle à lui, vers 17 heures. Glasberg et sa fraction du DSE arrivent à Petite-Rosière vers 18 heures.

Le capitaine Fontant a reçu des ordres pour passer à l'action. A 17 heures en effet, à son PC de Petitvoir, le colonel Labouche, commandant du 11e Cuirassiers et, pour la circonstance, commandant du Sous Groupement Nord (Ier groupe/11e Cuirassiers et Ier bataillon/15e RDP), a reçu du colonel Evain (et la 15e BLM et, pour la circonstance, le Groupement Est de la 5e DLC), l'ordre de prendre sous son commandement le DD.2 et le DSE, et de faire exécuter deux reconnaissances: l'une vers Morhet, l'autre vers Remichampagne. Pour cela, Fontant doit évidemment tout d'abord bousculer les Allemands de Petite-Rosière. Non seulement il a été rejoint par le détachement Glasberg, mais il a reçu en renfort un peloton de 3 chars Hotchkiss du 3e escadron du 5e RAM, sous les ordres de l'aspirant Guignard, et de son adjoint, le maréchal des logis-chef Gouya. Ce peloton, qui était arrivé à Neufchâteau vers 10h30, a reçu l'ordre, vers 17 heures, d'aller épauler le DD.2-DSE de Fontant; il est arrivé à Petite-Rosière vers 17h30.

A propos de l'action à Petite-Rosière, Glasberg écrit:

«A Petite-Rosière. les  AMD du 5e RAM sont au contact. Au sud du village, un petit bois est tenu par des éléments ennemis. Notre baptême du feu. Le capitaine me donne l'ordre de pousser une reconnaissance sur le bois. Je pars avec 3 AMR, formant demi-cercle. Nous arrivons rapidement à la lisière; ouvrons le feu; à la lunette, je vois plusieurs hommes tomber, mais le bois est solidement tenu; nous sommes abondamment mitraillés; les balles crépitent sur le blindage, et de la route nous sommes encadrés par plusieurs obus d'armes antichars. La visibilité devient faible, et nous rejoignons le capitaine à Petite-Rosière.

Dans un second rapport, le lieutenant Glasberg écrivait:

«... petit bois tenu par des éléments ennemis. Aidé de 3 chars Hochtkiss du 5e RAM, nous détruisons rapidement cette résistance.»

Quand au maréchal des logis-chef Gouya, du peloton de chars, il écrit:

«Arrivons à 17h30. Une attaque est montée, qui a lieu un peu plus tard avec des AMR et motos qui nous ont rejoints. Attaque réussie; ennemi dispersé; nous nous replions à quelques kilomètres de là, en direction de Neufchâteau».

Ces Français qui parlent de destruction de la résistance ennemie, et d'attaque réussie, exagèrent-ils? NON, car les Allemands eux-mêmes le reconnaissent. Le sous-lieutenant Obermeier, qui commandait les deux pelotons allemands (2e et 3e de la 11e Cie/IRGD) de Rosière-Nives-Cobreville, écrit en effet dans son rapport (35):

«Vers 20 heures, par surprise, 7 chars ennemis débouchent de Vaux-lez-Rosière et passent à l'attaque des positions de notre 3e peloton. En dépit d'un tir violent de nos armes (Panzerbüchse,

Mi et fusils) à très courte distance, les chars roulent plusieurs fois (überrollten) sur la position. Puis ils marchent sur Petite-Rosière, mais s'arrêtent devant une obstruction postiche placée par nous. A la tombée de la nuit, ils se replient en direction du Sud. Pendant l'attaque des chars, notre 2e peloton s'était replié en direction du Nord. A présent, le 3e peloton aussi se replie, dans un bois tout proche, où il passe la nuit».

(39) A. Bikar: ... NIWI, in RBHM, n° de juin 1975, p. 153.

Les Allemands ont donc bel et bien perdu leur position et se sont repliés dans les bois, mais les Français ont dû s'arrêter à cause de l'obscurité.

A propos des événements de Petite-Rosière, on lit ceci dans le compte rendu des opérations de la 5ème DLC:

«Vers Petite-Rosière, le 10 mai, le lieutenant Toussaint et l'aspirant Stein ont abattu avec leurs armes automatiques 2 avions au moment de leur atterrissage; avions portant des caisses de munitions avec parachutes. Plusieurs chars ennemis sont touchés et arrêtés» ... «A signaler en particulier les éléments de Petite-Rosière qui ont débarqué d'avions du personnel armé d'armes automatiques avec balles perforantes, dégageant une substance lacrymogène après impact, de petits mortiers, de lance-flammes portatifs, de Tellermines.

 Des échantillons de ce matériel ont été trouvés dans un camion civil belge, pris par les Allemands, et dont le conductcur a pu ultérieurement s'enfuir et rejoindre le côté français (matériel transmis au 2e bureau)».

(4) DD.2 et DSE, la nuit du 10 au 11 mai

C'est l'obscurité. Le capitaine Fontant donne ses ordres pour la nuit; lui-même reste à Bercheux, avec le DD.2 et une fraction du DSE; le lieutenant Glasberg, avec 3 AMR et 1 groupe moto, ira se barricader à Lescheret.

Mais les aventures de Glasberg ne sont pas finies: à 22 heures, arrive un motocycliste, envoyé par le capitaine, pour dire qu'il faut aller rechercher le lieutenant Combet, parti en reconnaissance vers Sûre. Glasberg part avec 2 AMR mais il a à peine roulé 2 kilomètres qu'il est bloqué par une barricade faite de gros troncs d'arbres; il revient à Lescheret et rend compte au capitaine. Ce dernier, à 23 heures, envoie un message: ramener Combet à tout prix avant l'aube du 11 mai. Glasberg repart donc mais cette fois avec le groupe moto, qui contourne la barricade en passant à travers champs. Combet est trouvé à Sûre; il est au contact et, ne sachant où se replier, s'est barricadé pour la nuit. Averti par Glasberg, il part aussitôt rejoindre le capitaine à Bercheux, tandis que Glasberg retourne à Lescheret.

b) Devant le Sous-Groupement Sud

Devant le Sous-Groupement Sud du Groupement Est de la 5ème DLC (colonel du Passage: 60e GRDI, IIe groupe du 11e Cuirassiers, 1 peloton du Se EDAC), il y a un détachement «DD-DSE», commandé par le capitaine de Chabot, ayant sous ses ordres 2 pelotons de son escadron, le 4e (motocycliste) du 5e RAM: le 1er peloton du lieutenant Baudouin, et le 4e du lieutenant Koltz.

Le capitaine de Chabot et le peloton Baudouin, à Martué, emprun­tent la branche Nord de l'itinéraire secondaire du Groupement Est, et passent donc par Straimont, Hosseuse et Assenois pour arriver au chemin de fer Namur-Arlon à Bernimont. Le peloton Koltz, à Martué, a pris la route de Suxy puis, par Les Fossés, arrive au chemin de fer à Naleumont. Les pelotons Baudouin et Koltz ont atteint leurs objectifs vers 8h45.

Cette arrivée au chemin de fer des premiers Français, tant du détachement de Chabot, que de l'avant-garde du 60e GRDI et du DD-DSE d'extrême gauche de la 2e DLC, est confirmée par plusieurs témoignages belges. Le lieutenant Dardenne, de la compagnie moto du 1er Chasseurs Ardennais, arrivé à Léglise vers 8 heures, écrit en effet:

«Vers 9h30, je prends contact avec un officier français commandant une pointe motorisée, arrivée depuis 9 heures sur le chemin de fer de Namur.»

On lit dans un autre document belge de la 10e Cie/ler ChA.:

«9h30: arrivée à Léglise (carrefour grand'route) d'un motocycliste français venant de Mellier; il rebrousse chemin après un court arrêt. Peu après, le lieutenant Dardenne pousse une pointe vers Mellier et y trouve une reconnaissance motocycliste française installée au passage à niveau. II parla avec l'officier qui la commandait, qui lui dit avoir reçu pour mission de s'installer à hauteur du chemin de fer».

(1) Que devient ensuite l'escadron de Chabot?

Mais revenons aux Français de l'escadron de Chabot. Vers 11 heures, ils sont rejoints par l'élément le plus avancé du Gros du Sous-Groupement Sud: un peloton antichars du Se EDAC. Le lieutenant Koltz écrit dans son rapport que (vers 11 heures) on observe une «descente de parachutistes allemands aux environs de Léglise (un bataillon environ)». Et, vers 11h30, arrive une pointe d'avant-garde commandée par le lieutenant de la Morandière du 1er escadron du 60e GRDI. Koltz ajoute: «Engagement avec les parachutistes allemands, qui se replient dans les bois de Léglise».

Les gros des colonnes françaises étant arrivés au chemin de fer vers 16 heures, le détachement de Chabot reçoit l'ordre, à 16h30, de se porter en avant jusqu'à l'objectif suivant, c'est-à-dire Rauvillers, sur la transversale Bastogne-Martelange-Arlon. Il part à 19 heures. A Wittimont, des barricades interdisent toute progression, et le détachement s'arrête. Mais, comme un groupe de cavaliers ennemis a été signalé à la lisière des bois à l'est du village, le lieutenant Koltz, le maréchal des logis Lechardon et quelques hommes partent en patrouille à 19h30. Koltz écrit:

«Rencontre à la lisière d'un bois avec un détachement allemand à cheval, composé de 23 cavaliers. Surprise complète de l'ennemi, qui laisse prisonnier un adjudant-chef, commandant le détachement, ainsi que des chevaux et un matériel important, entre autres un poste de radio».

Les archives du 5ème RAM nous apprennent que le soldat français Varone a été blessé et que 7 chevaux allemands ont été capturés; les harnachements ont été mis hors d'usage et les animaux abandonnés; le poste de radio émetteur-récepteur de campagne a été mis sur une voiturette de canon de 25.

Ne pouvant déboucher de Wittimont à cause des obstructions, le détachement de Chabot s'installe défensivement dans la localité pour la nuit.

(2) Qui étaient ces cavaliers allemands dans la région de Wittimont?

 

Les dires du lieutenant Koltz sont confirmés (36)

- par la 6e compagnie du 1er Chasseurs Ardennais dont le carnet de campagne mentionne:

«Repli commencé à Habay-la-Neuve vers 16h30; awivée à Ncufchâteau vers 18h30. Pas d'incidents, sauf tirs par FM sur 9 cavaliers ennemis qui s'enfuient vers Wittimont»;

- et dont le lieutenant Decker écrit:

« Arrivés à Rancimont, échangeâmes quelques coups de feu avec un détachement de cavaliers allemands. Toutefois ceux-ci n'insistèrent pas et s'enfuirent en hâte».

-par le rapport du capitaine Pillafort, commandant le 3e escadron du 11e Cuirassiers, qui tient la voie ferrée au sud de Neufchâteau: (10 mai). Pillafort reçoit du capitaine de Chabot le premier prisonnier allemand fait par le DSE:

«C'est un gradé de cavalerie à cheval; 32 ans; a fait la guerre de Pologne. Sa formation vient du Luxembourg, et ils ont fait 90 kilomètres dans la journée. Le sous-lieutenant de Saint-Mathieu (NDLR: aussi du 3e escadron) reconnaît et arrête une patrouille de cavalerie allemande à 600 mètres au nord de la voie ferrée»

(36) - CDH: carnet de campagne de la 6e Cie du 1er Chasseurs Ardennais;

- SHF: 11e Cuirassiers: rapport du capitaine Pillafort (3e Esc);

- Gounelle: Sedan, mai 1940, p. 102 (situe I'affaire erronément le 11 mai, au lieudit 10): «Escadron de Chabot ..., surprenant un groupe de cavaliers allemands, en tue 2, fait prisonnier le chef de peloton et met en fuite le reste du détachement»;

-Ornano: La 5e DLC dans les Ardennes belges, p. 27: «A l'extrème droite, le DSE marchant devant le 60e GRDI est accroché à Wittimont».

(3) Mais d'où venaient donc ces cavaliers allemands?

La seule division de cavalerie allemande était entrée dans le nord de la Hollande. Les seuls autres cavaliers allemands (à cheval) étaient ceux du peloton d'éclaireurs des régiments d'infanterie, et ceux de l'escadron à cheval des groupes de reconnaissance des divisions d'infanterie. Encore ne s'agissait-il normalement que des unités actives, car dans les unités de réserve, ces «cavaliers» étaient à vélo. Compte tenu des renseignements trouvés dans les archives des divisions allemandes ayant traversé la Belgique (photocopies au CDH), les cavaliers de Wittimont devaient, semble-t-il, appartenir à l'escadron à cheval du groupe de reconnaissance de la 16e Infanterie Division. Les éléments les plus avancés de ce groupe étaient en effet, le 10 mai dès 8h30, arrivés à Tintange. De la frontière germano-luxembourgeoise à Tintange il y a, à vol d'oiseau, environ 35 Km et, de Tintange à Wittimont, encore environ 17, soit au total 52 Km. Et par les routes et chemins il y en a encore bien plus! Comment ces cavaliers auraient-ils pu parcourir une telle distance en un jour? Peut-être chevaux et hommes avaient-ils été transportés partiellement en camions?

IV. - LA PROGRESSION DES GROS DES COLONNES DE LA 5ème DLC

A 8h45, le général Chanoine, commandant la 5ème DLC, a prescrit de poursuivre le mouvement vers le 2e objectif, c'est-à-dire la trans­versale 0.2: la voie ferrée Namur-Arlon, entre Poix-Saint-Hubert et Les Fossés.

1. - AU GROUPEMENT OUEST

a) Le 64e CRDI

Le 64e GRDI a reçu l'Alerte n° 3 (se porter jusqu'à la frontière) à 6 heures, et l'Alerte n° 4 (entrer en Belgique) à 7 heures. Il franchit la frontière à 9 heures. Sa sûreté rapprochée est assurée par le peloton de Toulgoët (du 3e escadron) qui a l'ordre d'occuper les ponts de Alle, Hour et Poupehan, tout en laissant un groupe à la maison forestière de Brulé, à May. Le 64e GRDI progresse dans l'ordre suivant:

- 2 pelotons du 2e escadron (moto):

- Reverdy, qui à la Semois doit renforcer Toulgoët et prendre la liaison, à Mouzaive, avec le 2e Spahis Marocains, élément d'extrême droite de la 9e Armée

- Paulmier

- le peloton de commandement du 2e escadron

- 1 groupe Mi du peloton Berger, et un fusil antichars «Boyd», du 3e escadron (de Mi et engins)

- le peloton Meyer (du 2e escadron)

- l'état-major du Groupe

- le restant du 3e escadron

- le 1er échelon des Trains de Combat (TC.1; lt Parouty)

- le 1er escadron (à cheval)

- le 2e échelon des Trains de Combat (TC.2) et les Trains de Ravitaillement (TR) (capitaine Girade).

La tête du 64e GRDI arrive à Alle (transversale 0.1) à 11 heures; la liaison avec le 12e Chasseurs à cheval est trouvée à Poupehan, au carrefour des Chambrettes, mais celle avec le 2e Spahis Marocains à Mouzaive ne se fait pas. A midi, départ de Alle pour Paliseul sur 2 itinéraires: au Nord par Cornimont et Carlsbourg: 1 peloton du 2e escadron, le 1er moins 1 peloton, et une fraction du 3e; au Sud par Menuchenet: le 2e escadron (- 1 peloton), l'état-major, le 3e escadron moins 1 fraction, et 1 peloton du 1er.

A Paliseul, les deux fractions du 64e GRDI se rejoignent; il n'y a pas d'arrêt et le groupe continue sa progression par Anloy et Glaireuse vers 0.2, c'est-à-dire la Lomme (coïncidant, à part ses méandres, avec le chemin de fer Namur-Arlon), dans l'ordre: 2e escadron, état-major et 3e, puis 1er. La transversale 0.2 est atteinte par les motocyclistes vers 18 heures, «après le franchissement d'abattis faits par les Belges au sud du ruisseau. Aucun élément belge n'occupe cette coupure». La liaison est prise à gauche avec le DD-DSE du lieutenant Josset, qui opère plus au Nord, et à droite avec le 12e Chasseurs à cheval.

L'état-major du 64e GRDI et le 3e escadron (sauf le peloton de Toulgoët laissé à Paliseul avec un groupe Mi) s'installent à Libin-Bas vers 18h30; le 1er escadron y arrive vers 20 heures, et occupe aussitôt les lisières Nord du village. Au même moment arrive à Libin-Haut le 2e Spahis Marocains, qui y installe son PC régimentaire et pousse ses escadrons vers la coupure de la Lomme. La liaison entre l'extrême gauche de la cavalerie de la 2e Armée, et l'extrême droite de celle de la 9e, est donc effective. A 23 heures, le canon de 37 et les deux Mi qui étaient en réparation à Verdun, rejoignent Libin-Bas; mais hélas la lunette du canon de 37 a disparu, et la pièce ne sera donc plus utilisable qu'aux distances très rapprochées.

Ajoutons que la 3e batterie du 78e régiment d'artillerie est arrivée à Libin-Bas.

b) Le 12e Chasseurs à cheval

Notons que, le 9 mai, il manque des chevaux au 12e Chasseurs, si bien qu'au 4e escadron, deux des quatre pelotons sont cyclistes.

Le 10 mai, c'est le 3e escadron qui fait l'avant-garde, et en tête se trouve le peloton Manet, qui arrive à la frontière belge à 8h15, et y attend le DD.1 et le DSE, qui bientôt sont là et le dépassent. A 9h 15, le 12e Chasseurs atteint la ligne Sensenruth-Noirefontaine. Ensuite, à Plainevaux, le 4e escadron se détache et progresse vers Offagne et Jehonville. A 13 heures, le régiment atteint son deuxième objectif: la forêt de Luchy. Le DSE achève de le dépasser. Lors de son passage à Bertrix, le 2e escadron a capturé des aviateurs allemands descendus en parachute. A 15h30 arrive l'ordre de reprendre la marche en avant, pour aller tenir la voie ferrée Namur-Arlon, et particulièrement Libramont. Vers 17 heures, cette localité est occupée par le 3e escadron (+ 1 groupe Mi et 1 canon de 25), qui à la voie ferrée surveille un front d'environ 4 kilomètres, et prend la liaison à l'Ouest avec le 4e, arrivé par Ochamps, et à l'Est avec le 2e, passé par Bertrix. Le 4e escadron de part et d'autre de la route de Recogne à Saint-Hubert, occupe la voie ferrée à l'ouest du 3e, et la lisière Sud du bois de Warinsart; il est en liaison à gauche avec le 64e GRDI.

Au 2e escadron, 3 pelotons sont au chemin de fer (d'Ouest en Est: pelotons Bazaille, Dorange + un groupe Mi, et Baijot); le canon de 25 en renfort garde la route de Neufchâteau; le PC de l'escadron est à La Mouline; la liaison est prise à droite avec le 11e Cuirassiers. Le 1er escadron, en soutien des autres et en couverture de l'artillerie, est sur la cote 495, à 2 kilomètres environ au sud-ouest de Recogne. Le PC régimentaire s'installe à 2 kilomètres à l'ouest de Libramont; un groupe Mi y est placé en défense contre avions.

Libramont était occupé le 10 mai par la Ire compagnie du 2e Chasseurs Ardennais. D'après le JMO du 3e escadron du 12e Chasseurs à cheval français:

«- à 18h30 les Belges reçoivent l'ordre de se replier».

«- a 21 heures Ia défense du village (par les Français donc) est réalisée. Le 3e escadron a été renforcé d'un 2e canon de 25 et d'un groupe motocycliste du 15e RDP. Le «cerclage» (de la localité) est terminé; les missions connues; les dispositifs de mines pris par notre Génie. A partir du 21h30 les ponceaux de la voie ferrée commencent à sauter. Seul subsiste le pont de la grand'route franchissant la voie ferrée, qui ne doit sauter qu'après le retour de la Découverte, sur ordre du capitaine. A minuit et demi arrive le ravitaillement ainsi que le lieutenant de la Chapelle rentrant de permission. Il reçoit aussitôt le commandement d'un groupement comprenant son peloton, le peloton Manet et 1 groupe Mi qui a rejoint vers 16 heures».

c) En 2e échelon du Groupement Ouest

Le 2e échelon du Groupement Ouest était constitué par le IIe bataillon (moins le Se escadron, qui est en DSE) du 15e RDP, renforcé par 1 groupe de 2 canons de 25 du peloton Martin du Se EDAC, et 1 peloton de chars du 3e escadron du Se RAM. Ces éléments s'installent à Bertrix. En soutien, à la Semois, il y a le Ier bataillon du 295e régiment d'infanterie.

d) Le PC du général Brown de Colstoun

Ce général qui commande le Groupement Ouest, s'est installé d'abord à Plainevaux, puis à Ochamps. C'est là que s'établit aussi, le soir, le capitaine Lopin, qui commande la compagnie de Sapeurs mineurs n° 34/1, dont la section TT de l'adjudant-chef Coudert prépare des destructions dans la région de Vivy, et dont la demi-section moto du sergent-chef André travaille sur les positions du 12e Chasseurs à cheval.

 

2. - AU GROUPEMENT EST

Le Groupement Est de la 5ème DLC, sous les ordres du colonel Evain (commandant de la 15e BLM), est subdivisé en deux sous-groupements:

- le Sous-Groupement Nord, sous les ordres du colonel Labouche (commandant du 5e Cuirassiers), comprend:

- 1 peloton de chars du 3e escadron du 5e RAM

- le 11e Cuirassiers, moins son IIe groupe

- le IIe groupe du 78e RA

- 2 canons de 47 de la 10e BDAC

- la section camionnettes de la Cie de Sapeurs-mineurs 34/1

- en 2e échelon: le Ier bataillon du 15e RDP (moins le 1er escadron d'AMR et motos, qui est en DSE);

- le Sous-Groupement Sud, sous les ordres du lieutenant-colonel du Passage (commandant du 60e GRDI), comprend:

- le IIe groupe (commandant Le Balle) du 11e Cuirassiers

- le 60e GRDI

- 1 peloton de canons de 25 du 5e EDAC.

En réserve du Groupement il y a le restant du 5e RAM (1 peloton d'AMD, 2 de chars, et 5 de motocyclistes), c'est-à-dire les éléments qui ne sont ni en DD ni en DSE. Enfin, à la Semois, il y aura le IIIe bataillon du 12e Zouaves, en soutien.

a) Les événements du 10 mai au Sous-Groupement Nord

Le 11e Cuirassiers est alerté le 10 mai à 6 heures seulement ... or, à ce moment, beaucoup de ses éléments sont déjà partis à l'exercice. Il faut donc les rappeler au cantonnement, puis leur donner l'équipe ment prévu pour le cas d'entrée en Belgique. Si bien que les escadrons ne peuvent partir qu'assez tard: le 2e à 9h45, le 1er à 10 heures... Le PC régimentaire démarre à 10h15 et, après un arrêt d'une heure à Blanc-Sarts, où le colonel Labouche se concerte avec le colonel Evain, va franchir la Semois à Mortehan et aux ardoisières de la côte de Villebauroche (2 Km à l'est de Mortehan). Le Ier groupe (ler et 2e escadrons) passe la rivière entre 13 et 14 heures. Le capitaine Grognet, commandant le 2e escadron, écrit que son unité marche en deux colonnes sur deux itinéraires à peu près parallèles, se rejoignant à Gribomont: le groupe de commandement et les pelotons Thomas et Venturini, par Maison Blanche et Mortehan; les pelotons Meaudre et Rothschild, par Muno et Herbeumont.

Les 1er et 2e escadrons atteignent sans incident, entre 15 et 16 heures, leur objectif du jour: la transversale 0.2, c'est-à-dire la voie ferrée Namur-Arlon. Le 11e Cuirassiers (moins son IIe groupe), en ler échelon, s'établit comme suit:

- le PC régimentaire, d'abord à Neufchâteau, s'installe ensuite à Petitvoir;

- le 1er escadron (capitaine Beau) à Tournay;

- le 2e escadron (capitaine Grognet) à Neufchâteau, de manière à empêcher le franchissement de la voie ferrée, et défendre les sorties de la ville vers l'Est.

A 17 heures, le colonel Labouche reçoit du colonel Evain l'ordre de prendre sous son commandement les éléments de la Découverte du capitaine Fontant et de faire exécuter deux reconnaissances, l'une sur Morhet, l'autre sur Remichampagne. Dans les pages précédentes, nous avons longuement évoqué les aventures du DD.1 et du DSE.

Vers 20 heures, des éléments de l'escadron de Chabot (DSE du Sous-Groupement Sud, dont nous avons parlé plus haut), refoulés de Wittimont, arrivent à Neufchâteau. Alors par prudence, le capitaine Grognet fait sauter la destruction de Hamipré, où malheureusement un accident se produit: l'adjudant-chef d'Acheux est évacué par ambulance sur Neufchâteau.

Le 1er escadron se replie pour la nuit sur Fineuse, qu'il organise défensivement; il reprendra sa position au chemin de fer le 11 mai dès 5 heures.

Le Ier bataillon du 15e RDP constitue le 2e échelon du Sous-Groupement derrière la haute Vierre, à Gribomont et Straimont.

b) Au Sous-Groupement Sud

Au II Groupe du 11e Cuirassiers, c'est le 3e escadron (capitaine Pillafort) qui fait l'avant-garde. Parti d'Escombres à 9 heures, il entre en Belgique à 9 heures 10 et progresse vers Nolinfaing, par Chassepierre, Laiche, Martué et Straimont. Entre Assenois et Nolinfaing il est attaqué par un avion allemand, qui lui tue 2 chevaux donc celui du trompette Sellier. Arrivé au chemin de fer Namur-Arlon vers 16 heures, le 3e escadron prend la liaison à gauche avec le 2e élément de droite du Sous-Groupement Nord et à droite avec le ler escadron du 60e GRDI. Le 4e escadron du 11e Cuirassiers reste en réserve.

Au 60e GRDI, seul le 1er escadron (à cheval) s'établit au chemin de fer, à la droite des Cuirassiers, jusqu'à Les Fossés. Le 2e escadron (moto) et le 3e (Mi et canons) s'installent en bretelle sur la ligne Neufchâteau-Straimont, à Montplainchamps.

 

3. - LA RÉSERVE DE LA DLC

Cette réserve est constituée essentiellement par le 12e GRCA (dont les escadrons possèdent en tout 3 canons de 25 et 1 canon de 37). Ce groupe de reconnaissance est diminué des 2 pelotons moto affectés au DD-DSE marchant devant le 64e GRDI, mais renforcé par 1 section de 2 canons de 47 de la 10e BDAC. Le 12e GRCA, progressant par Saint-Menges, Fleigneux et Bouillon, s'établit en position défensive à hauteur du carrefour de Menuchenet, et à Fays-les-Veneurs. En fin d'après-midi du 10 mai, le Ier bataillon du 295e régiment d'infanterie est avancé jusqu'à la Semois de la région de Bouillon.

V. - VUE D'ENSEMBLE DE LA 5e DLC ET DES ALLEMANDS D'EN FACE, LE SOIR DU 10 MAI

1. - LA 5e DLC

a) Vers 15 heures

A ce moment, la 5e DLC était répartie comme suit sur le terrain:

Groupement Ouest:

- DD.1 à Mabompré, DSE à Libramont

- Avant-gardes des Gros: à Ochamps et Recogne

- Têtes des Gros: à Paliseul, Offagne, Fays-les-Veneurs, gare de Bertrix

Groupement Est:

- DD 2 et DSE: à Vaux-lez-Rosière, Sûre, Ebly

- Avant-gardes des Gros: à Neufchâteau

- Têtes des Gros: à Gribomont et Straimont

Soutien d'infanterie.

- I/295e RI à Sedan; III/12e Zouaves à Carignan.

b) Le soir

Le DD2 et les DSE ont établi une ligne de surveillance passant par Amberloup, Laval, Morhet, Bercheux, Lescheret, Ebly et Wittimont. Le DD.1, obligé de se replier par Marche et Rochefort, est momentanément perdu pour la 5e DLC, qui ne le récupérera que le 11 mai. Les Gros (de l'Ouest vers l'Est: 64e GRDI, 12e Chasseurs à cheval, 11e Cuirassiers et 60e GRDI) sont à la Lomme et à la voie ferrée Namur-Arlon, entre Poix-Saint-Hubert (ex) et Mellier (ex). Un second échelon est constitué par le II/15e RDP à Bertrix, et le I/15e RDP à Gribomont et Straimont.

La réserve divisionnaire, à Fays-les-Veneurs, comprend:

- le restant du 5e RAM (des AMD et motocyclistes pour faire un DD en cas de nécéssité, et 2 pelotons de chars)

- le 12e GRCA (éléments à cheval et motorisés non utilisés en DSE)

- le restant de la batterie divisionnaire anti-chars

- des éléments de la compagnie de Sapeurs-mineurs 34/I (le capitaine Lopin a son PC à Ochamps).

Le PC divisionnaire, établi à 14 heures à la «Maison Friquet» (route de Bouillon, à 8 Km de Sedan; c'est l'une des «Maisons Fortes» organisées en avant de la position principale de la 2e Armée), va le soir au bois Monty, entre Bertrix et Fays-les-Veneurs, sauf sa fraction arrière, restée à Bazeilles.

Ajoutons qu'un «soutien d'infanterie» s'installe à la Semois: ce sont deux bataillons: le I/295e RI à Corbion, et le IIIe du 12e Zouaves entre Bouillon et Chassepierre.

 

2. - LES ALLEMANDS EN FACE DE LA 5e DLC

Comme dit plus haut, les 3 Panzers constituant le XIXe Corps du général Guderian n'ont pas atteint leurs objectifs du jour (Libramont, Neufchâteau, Florenville) et, le soir, leurs éléments les plus avancés ne sont respectivement qu'à Menufontaine (2e Panzer), Fauvillers (1ère Panzer) et Marbehan (10e Panzer). Les aérotransportés ayant réalisé l'opération NIWI (IIIe bataillon de l'IRGD), venant de la région Traimont-Witry, ont fait leur jonction avec la 1ère Panzer entre Fauvillers et Bodange, sauf un groupe de deux pelotons qui, refoulé par les Français, est dans un bois au nord de Nives.

Entre ces Allemands et les positions de la 5e DLC au chemin de fer Namur-Arlon, il n'y a plus aucun Belge. Et les DD-DSE, qui n'ont qu'une mission de surveillance, sont disséminés sur un front énorme... comme d'ailleurs aussi les unités tenant la position principale.

 

 

3. - LES BELGES

a) Le repli dans la «Position d'Arrière-Garde», vaste arc de cercle appuyé à la Meuse de Huy, passant par- Somme-Leuze, et longeant l'Ourthe de Petit-Han à Comblain-au-Pont

A 13h20, le général Descamps, commandant la 1ère D.Ch.A., a prescrit au 1er ChA de se replier sur le chemin de fer Bastogne-Libramont. A 15h20, le 2e ChA a fait savoir qu'il reportait sa défense à l'ouest de Bastogne. A 18h45, le général Keyaerts, commandant le Groupement K, a dit à la 1ère D.Ch.A. de faire replier les 1er et 2e ChA, «à la chute du jour», sur la Position d'Arrière-Garde.

La Cie de Neufchâteau (7e/ler ChA) quitte la ville vers 9 heures du soir. La Cie de Libramont (Ire/2e ChA), après le passage de diverses unités venant du Sud, se replie à son tour, peu après 23 heures. Et, dans la nuit du 10 au 11 mai, les colonnes des Chasseurs ardennais, remontant vers le Nord, entrent dans la Position d'Arrière-Garde à Somme-Leuze, ou par les ponts de l'Ourthe à Petit-Han, Durbuy, Barvaux, Bomal et Hamoir.

b) Les dispositjfs de destruction

En se repliant, les Chasseurs ardennais ont réalisé les destructions prévues, sauf bien entendu dans les régions de Neufchâteau et Libramont, où les Français se sont établis. Le groupe de «Libramont Recogne» (LR) comptait 14 destructions (LR. I n° 1 à 11, et LR. II n° 1, 2 et 3), et celui de Neufchâteau (Nf) 7 destructions (Nf. 1 à 7). Chaque poste de destruction comptait un gradé et 4 chasseurs.

(1) A Libramont-Recogne

A 12h10, le lieutenant Moreau de la 1ère Cie/2e ChA signale à l'état-major du ler ChA qu'un détachement du génie français vient d'arriver à Libramont, et a pour mission de miner le pont de Neuvillers et aussi de reconnaître les dispositifs de destruction de Recogne et du pont de Libramont (Ndlr: donc les dispositifs LR. I n° 1, 5 et 8, et peut-être aussi 6 et 7 au chemin de fer). A 17h10, les Français demandent et obtiennent délégation pour décider du moment du sautage de LR. I/1, 5 et 8.

A 19h30, le ler ChA annonce à la 1ère D. Ch. A. que les dispositifs LR ont sauté, sauf LR. II/1, 2 et 3 et LR. I/4 (pont ferroviaire près de Serpont, sur la route de Recogne à Saint-Hubert). Ces 4 dispositifs n'ont pas sauté probablement à la demande des Français, qui ont encore des troupes en avant. Et les dispositifs pour lesquels les Français ont délégation n'ont évidemment pas encore sauté non plus, puisqu'ils sont sur la position française ou en arrière. Au message de 19h30 du ler ChA, la 1ère D.Ch.A. répond qu'il faut faire sauter LR. I/4 et LR.I/3; ce qui sera probablement fait car, bien que LR.I/4 coupe la route de Saint-Hubert, il reste le pont de Libramont (LR.I/1) pour le repli des éléments avancés (DD-DSE). Et LR. II/1, 2, 3 ? Les archives sont muettes en ce qui concerne le moment du sautage.

(2) A Neufchâteau

A 13h04, le 1er ChA signale au Groupement K que les Français sollicitent une délégation de pouvoirs concernant le dispositif de sautage Nf. 6 (route de Bertrix, à la sortie ouest de Neufchâteau). Le Groupement K marque son accord; Nf. 6 ne sautera que «sur ordre du commandant français de Hamipré».

Le sous-lieutenant Fairon, de la 5e Cie du ler ChA, était détaché à Neufchâteau, comme commandant du groupe des 7 dispositifs de destruction. Dans son rapport du 23 février 1949, il écrit:

«Je fais partie de la 5e compagnie du fer Chasseurs ardennais et suis détaché à Neufchâteau où je commande le détachement de destruction Nf. J'ai sous mon commandement 7 postes de garde, et je dépends directement de l'état-major du 1erChA. Chaque poste se compose de 4 chasseurs et d'un gradé...

10h30: arrivée des premiers Français.

15h heures: l'état-major régimentaire s'en va à Freux. Je dépends de lui pour le sautage de 4 destructions (Ndlr: Nf. 3, 4, 5 et 7). Pour les 3 autres je dépends des Français sous les ordres desquels je suis placé au moment du départ de mon régiment.

18h30: ordre de mise à feu de Nf. 3, 4, 5, et 7, reçu par indicatif du commandant Krack (adjudant-major du 1er ChA). Je me rends moi-même à ces postes, où les chefs de poste les font sauter sous mes yeux. (Ndlr: Nf. 5 saute à 18h45, Nf. 3 et 4 à 18h55, et Nf. 7 à 19h15).

19h30: rentré à mon PC, où je peux rendre compte de l'accomplissement de ma mission. Téléphone coupé. Les hommes des postes sautés se replient vers Saint-Hubert. Destruction du central téléphonique comme prévu. Je relève uniquement des Français après l'accomplissement de ce sautage.

20 heures: un de mes camions conduit à Libramont des rescapés de la 5e Cie.»

Rappelons que c'est cette 5e Cie qui a si bravement combattu à Bodange contre la 1ère Panzer, et à Strainchamps contre la 2e. Nous verrons plus loin ce que deviendront Fairon et ses chasseurs le 11 mai.

 

 

VI. - LES ORDRES DU COMMANDANT DE LA 2e ARMÉE FRANÇAISE ET DU COMMANDANT DE LA 5ème DLC, DANS LA NUIT DU 10 AU 11 MAI

La situation de la 2e DLC, le soir du 10 mai, rend nécessaire le retrait vers l'Ouest de la droite de la 5e. Ce retrait est prescrit le 10 mai à 22 heures par le général Huntziger, commandant la 2e Armée française. En conséquence, le 11 mai à 4h45, le général Chanoine, commandant la 5e DLC, ordonne ce qui suit:

- au Groupement Est:

- limite latérale droite: une ligne passant par Chassepierre (inclus) et Straimont (exclu); liaison à droite avec la 1ère BC

- le sous-groupement Sud (II/1 le Cuirassiers et 60e GRDI) doit pivoter sur sa gauche et orienter son dispositif face à l'Est (même le Sud-Est) entre Neufchâteau et Straimont.

- axe d'effort: Neufchâteau, Gribomont, Herbeumont.

- PC du Groupement: à Petitvoir

- le I/15e RDP reste où il est (La Vierre, entre Gribomont et Straimont)

- au Groupement Ouest: pas de changement

- la ligne de surveillance des DD et DSE ne change pas non plus.

Au cours de la nuit, conformément aux ordres reçus par la 1ère BC, le ler Hussards étendra sa gauche jusqu'à Straimont. Mais au Groupement Est de la 5e DLC, 1'aile droite, c'est-à-dire le sous-groupement Sud du lieutenant-colonel du Passage (II/11e Cuirassiers et 60e GRDI) n'occupe pas encore ses nouvelles positions à l'aube du 11 mai, et sera surpris par l'ennemi en plein mouvement.

E. - LA JOURNÉE DU 11 MAI

I. -AU GROUPEMENT OUEST

1. - LE DD-DSE GOSSET

Le DD-DSE du lieutenant Gosset, qui opérait devant le 64e GRDI, est semble-t-il rentré dans les lignes dans le courant de la matinée du 11 mai, puis a été replié vers Menuchenet, dont il va assurer la défense avec des éléments du 5e RAM et du 15e RDP.

2. - LE DD.1 ROUGIER ET LE DSE

Le DD.1 du commandant Rougier ayant été, comme dit plus haut, obligé de se replier, à cause des destructions belges, via Marche et Rochefort, c'est-à-dire dans le secteur de la Ire DLC, voisine de gauche de la Se, c'est le DSE Ribes (5e escadron/II/15e RDP) qui prend à son compte la mission de découverte. Durant la nuit du 10 mai au 1 1 mai il était en surveillance sur la ligne Laval-Morhet. Il semble bien qu'à l'aube du 11 mai il soit parti en reconnaissance plus loin vers l'Est, puisque les archives de la 3e Infanterie Division allemande nous apprennent qu'à Flamierge, les Allemands ont vu apparaître des autos mitrailleuses françaises.

D'après le JMO du 12e Chasseurs à cheval, «à 7 heures, un élément du DSE franchit le pont de Libramont et rentre dans nos lignes. Il déclare avoir été encerclé toute la nuit» (à Laval et / ou Morhet ?). A 10 heures, le DSE est au contact de l'ennemi à Remagne (10 Km au nord-est de Libramont). La patrouille mixte d'AMR et motos du lieutenant de Villelume est particulièrement active. Les deux dernières AMR venant du Nord repassent à midi le pont de Libramont, que les sapeurs font alors sauter. Le DSE va prendre place dans les arrières du Groupement Ouest.

3. - LE 64e GRDI, À L'EXTRÊME GAUCHE DU GROUPEMENT

A minuit, le Groupe reçoit la visite du général de Colstoun, qui prescrit de faire prolonger la droite du 2e escadron (moto), au chemin de fer, par 2 pelotons du ler (à cheval), installé aux lisières Nord de Libin-Bas. Les pelotons Gaullier et Joffre sont désignés, et partent à l'aube. A 9 heures, le 64e GRDI reçoit 2 canons de 25 portés, mis à sa disposition par la 5e DLC, mais ces canons n'ont ni munitions, ni personnel. On les fait alors servir par l'équipe du fusil antichars Boyce et l'on prélève des munitions sur celles du canon de 25 hippomobile.

A 11 heures, le général de Colstoun ordonne le repli sur la transversale 0.2 (Paliseul). Cet ordre est causé par les événements à la droite de la 5e DLC ainsi qu'à ses voisines de droite (1ère BC et 2e DLC). Et le 64e GRDI quitte donc vers midi le chemin de fer et la coupure de la Lomme sans avoir eu de contact avec l'ennemi. L'escadron à cheval est couvert par celui de fusiliers motocyclistes. Une AMR du DSE, en panne, est détruite, ainsi qu'un dépôt d'essence belge. Sur ordre du lieutenant Cornilleau, officier des Transmissions, les téléphonistes du groupe, aidés de 3 téléphonistes militaires belges trouvés à Libin-Bas, detruisent le réseau et les postes téléphoniques locaux.

Vers 15 heures, le lieutenant-colonel Mallet établit son PC dans une ferme isolée, entre Paliseul et Menuchenet. Le repli sur 0.2 a été préparé par le peloton de Toulgoët (du 3e escadron), laissé la veille à Paliseul avec un groupe Mi.

A 16 heures, vu la progression rapide de l'ennemi sur la droite, arrive l'ordre de se replier sur la Semois sans s'arrêter sur 0.2, où d'ailleurs les escadrons ne sont pas encore arrivés. Le lieutenant colonel Mallet leur envoie des délégués pour les avertir, et va établir son PC à Menuchenet.

Le capitaine Hollier trouve l'escadron à cheval pied à terre, au sud d'Anloy. Violemment attaqué par des avions volant bas, il a plusieurs sous-officiers et cavaliers blessés, et de nombreux chevaux blessés ou échappés. L'escadron, échelonné par petits paquets à proximité de la route, a une grande profondeur. L'escadron monté, qui couvre la retraite, a été obligé de stopper. L'escadron à cheval reprend sa marche, mais à travers champs, de couvert en couvert. L'escadron moto cesse alors de le couvrir et roule jusqu'à Menuchenet. Lorsqu'il arrive à ce carrefour vers 17 heures, la défense y est assurée par le DD-DSE du lieutenant Gosset, ainsi que par des éléments du 5e RAM (ex-DD.1) et du 15e RDP (ex-DSE). Les blindés ennemis ont atteint les abords du carrefour, et un combat violent a lieu. Dès que son escadron moto a dépassé le carrefour, le lieutenant-colonel Mallet ordonne la mise à feu des dispositifs de destruction préparés par les sapeurs de la compagnie 34/1.

Vers 19 heures, l'état-major et les escadrons motorisés (2e et 3e) du 64e GRDI atteignent la Semois à Alle. L'escadron à cheval (1er) ayant été obligé de passer par Carlsbourg, n'arrive à la Semois que vers 21 heures, et le groupe de canons de 25 à 21 h30. Le capitaine Gerdes et le peloton Gaullier (du 1er) manquent; ils rejoindront heureusement le 12 mai.

L'occupation de la Semois, d'Alle à Poupehan, est réalisée vers 20 heures.

- à A /le, il y a le PC du Groupe, ceux des 2e et 3c escadrons, ainsi que les pelotons Meyer et Lefèvre (du 2e) et l groupe de canons de 25 du 5e EDAC;

- à Hour, il y a les pelotons Reverdy (du 2e) et Berger (du 3e), avec un canon de 37;

- à Poupehan, il y a les pelotons Paulmier et Gosset, avec un canon de 25 porté;

- à Frahan, il y a le peloton de Toulaoët.

L'escadron à cheval et le groupe de canons de 25 hippomobiles, très éprouvés physiquement, sont placés en réserve au sud d'Alle, à mi-chemin de la douane belge. D'après le rapport du capitaine Gerdes, le 1er escadron eut quelques blessés par l'aviation allemande dans la région de Paliseul, et son premier tué à Alle. Une compagnie du I/295e RI, qui tenait la Semois avant l'arrivée du 64e GRDI, a des sections à Alle, Hour et Poupehan, et reste en place.

Le général de Colstoun, dont le PC est à la Maison Friquet, prescrit de ne pas faire sauter le pont d'Alle avant le 12 mai à 4 heures, pour permettre aux éléments en retard de rentrer. Le gué de Hour saute donc seul, à 21h30. Le pont d'Alle est barricadé; 1 sergent et 2 sapeurs de la compagnie de sapeurs-mineurs 1/55 sont au poste de mise à feu. A 21 h30, les 2 canons de 25 de l'EDAC, au pont d'Alle, se replient par ordre; ils seront remplacés à l'aube du 12 mai par les canons de 25 portés du Groupe.

L'affaire de la passerelle de Mouzaive

D'après les archives du 64e GRDI,

«Vers 23 heures se présentent des éléments du 11e Cuirassiers qui se sont repliés par la passerelle de Mouzaive. Ils signalent qu'elle n'est plus tenue par le 2e Spahis Marocains, et que les Allemands sont en train de l'occuper. Ordre est alors donné au peloton Meyer d'occuper la passerelle. Mais l'aspirant Meyer ne peut l'atteindre; il est arrêté par des feux venant de l'autre rive et de la passerelle elle-même. II établit son peloton de façon à commander par le feu le débouché de la passerelle, et se maintient sur cette position toute la nuit du 11 au 12 mai. Le cavalier Geslin est tué par une balle ennemie.»

Les archives du 2e Régiment de Spahis Marocains nous donnent l'explication (37). Le gros de ce régiment s'est replié par Vresse, sauf le ler escadron qui devait franchir la Semois à Mouzaive... où les Allemands sont arrivés avant lui. Tandis que l'escadron se présente, l'ennemi ouvre le feu avec une vingtaine de mitraillettes. Un brave spahi, avec un FM, gagne alors la rive Sud et fait tête de pont, puis «tout l'escadron bourre et passe» au prix de 5 tués. Après ce passage courageux, l'escadron ne pouvait évidemment plus revenir en arrière pour refouler les Allemands au nord de la Semois et la passerelle resta donc intacte. Les cuirassiers dont parlent les archives du 64e GRDI sont passés à Mouzaive avant l'arrivée de l'ennemi, et les Spahis sont donc, eux, passés après.

(37) A. Bikar: La 3e Brigade deSpahis dans nos Ardennes. in Revue Belge d'Histoire Militaire, n° de mars 1986, pp. 387 à 401 + cartes.

 

4. - LE 12e CHASSEURS À CHEVAL

A minuit et demi le ravitaillement arrive, ainsi que le lieutenant de La Chapelle (du 3e escadron), rentrant de permission. A 0h45, la brigade ordonne au régiment d'envoyer un groupe de combat tenir le carrefour de Séviscourt, à 7 Km environ au nord-est de Libramont. Le colonel Lesne désigne pour cette mission le groupe motocycliste du 15e RDP, reçu en renfort la veille au soir. A 6 heures, la brigade demande d'envoyer une patrouille jusqu'à deux Km dans l'Est. Trois cavaliers du 3e escadron sont désignés, et partent ... on ne les reverra plus. Vers 7h30, on entend des coups de feu loin dans l'Est; d'après le PC du colonel, le 11e Cuirassiers est au contact.

a) Le combat de Libramont (12e Chasseurs à cheval contre la 2e Panzer)

(1) Au 3e escadron du capitaine Dumas de Champvallier

Le 3e escadron (4 pelotons, chacun à 2 groupes de combat), renforcé par 1 groupe Mi et 2 canons de 25 du Se, et le groupe moto du 15e RDP, est disposé comme suit:

- à gauche, le peloton Manet entre le chemin de fer et la route

- au ccntre, tenant la route et le pont, 1 officier du 15e RDP avec:

- le groupe moto du 15e RDP (envoyé à l'aube an carrefour de Séviscourt) - l canon de 25

- I peloton, moins 1 de ses 2 groupes

-à droite (à l'est de la route): le lieutenant de la Chapelle avec 2 pelotons (le sien et celui de l'adjudant-chef Masset), mais diminués chacun de l'un des 2 groupes; enfin 1 groupe mi.

- en réserve, au sud du village: 3 groupes de combat: 1 du peloton sous les ordres d'un officier du 15e RDP et 2 provenant des pelotons sous les ordres du lieutenant de la Chapelle; et sans doute le 2e canon de 25 attribué à l'escadron

- PC du capitaine Dumas: près de l'église de Libramont

- défense contre avions (DCA): 2 FM jumelés, près du PC.

 

Les chevaux sont sur place, dans les granges ou garages, et les caves des maisons où des sorties ont été aménagées.

Ajoutons que Libramont avait été organisé par les Belges en centre de résistance susceptible de se défendre tant face au Sud que face au Nord. En plus des 4 gros abris formant un arc de cercle face au Sud, appuyé au remblai du chemin de fer, la protection antichars est assurée au Nord et au Nord-Est par la voie ferrée, à l'Est et au Sud par un fossé artificiel, et par de solides barricades sur toutes les routes.

En début de matinée le groupe moto du 15e RDP envoyé vers Séviscourt rentre. Vers 8 heures un petit avion allemand survole Libramont: il appartient à l'escadrille d'observation de la 2e Panzer division, qui sera donc fort bien renseignée. A 8h45, on entend des coups de feu dans la direction prise par la patrouille à cheval (le brigadier Bodmer et 2 chasseurs du peloton Masset).

Vers 9h30, 1'ennemi arrive en force en vue des positions françaises. C'est la 2e Panzerdivision (38), dont l'objectif du 10 mai était Libramont, et qui fut bloquée à Strainchamps, de 9h30 à 18 heures, par une quarantaine à peine de courageux Chasseurs ardennais: le peloton Nemry de la 5e compagnie du 1er Chasseurs ardennais, avec au total 3 FM, 2 Mi, 3 petits lance-grenades et un T. 13 (canon de 47 sur affût chenillé automoteur). A l'aube du 11 mai, la 2e Panzer reprend sa marche vers l'Ouest. En tête se trouve le bataillon motocycliste, qui traverse la route Neufchâteau-Bastogne à Bercheux, et fonce vers Libramont.

(38) Composition de la 2e Panzerdivision

- 5e groupe de reconnaisance "blindé" (Panzeraufklärungabteilung ou "PzAA.5"): 56 grosses autos blindées à 8 roues

- 38e groupe antichars "blindé" (Punzerjägerabteilung 38 ou "PzJgA.38): 36 canons de 37 antichars

- 2e brigade de fusiliers (Schützenbrigade 2 ou "Sch. Brig.2") comprenant:

- le 2e bataillon motocycliste (Kradschützenbataillon 2 ou "Krad3")

- le 2e régiment de fusiliers (Schützenregiment 2 ou "SR.2"), à 3 bataillons de 5 compagnies, dont 1 de Mi et 1 d'armes lourdes

- 2e brigade de chars (Panzerbrigade 3 ou "Pz. Brig2") comprenant les régiments de chars 3 et 4 (Panzerregimenten 3 et 4 ou "P/.R.3 et PzR.4"), chacun à 2 bataillons de 3 compagnies

- Artillerieregiment 74 (AR.74)

- Pionierbataillon 38 (Pi. 38)

- bataillon des transmissions 38 (Nachtrichtcnabtcilung 38 ou Na.38")

- enfin les divers services habituels.

En arrivant en vue du chemin de fer, et donc de la position française, les motocyclistes allemands sont dépassés par les fusiliers portés. Vers 9h30 en effet, le peloton Manet du 3e escadron voit arriver 3 puis 6 camions remplis de fantassins, et des chars légers. Il semble qu'ils cherchent à passer sur le pont par surprise, mais le capitaine Dumas n'ose ordonner le sautage, craignant que certains éléments du DSE ne soient encore en avant. Ce qui est le cas mais ils sont en direction du Nord-Est (route de Séviscourt et Amberloup), tandis que la 2e Panzer arrive de l'Est (Bercheux). A 10 heures, le feu ennemi s'étend sur toute la lisière Nord de Libramont, et jusqu'à la limite Ouest de la position du 3e escadron, mais il est plus faible à l'est de la route d'Amberloup et nul devant le pont, dont les Allemands se méfient peut-être, craignant qu'il ne saute au moment où ils seraient dessus. Le 3e escadron tient ferme.

Tirant au canon, 2 chars légers avancent bientôt vers la voie ferrée, à l'est de la route. Appuyés par une base de feu puissante, les fusiliers feldgrau montent une attaque à pied, très fluide, de la valeur d'une compagnie. Des chars leur servent de base de feu mobile. Le remblai du chemin de fer les protège des feux français venant de l'Ouest, et un petit bois, de ceux venant de l'Est. Toutefois un FM particulièrement bien placé, servi par le brigadier Sarrasin, prend d'enfilade les assaillants, dont plusieurs tombent à chaque rafale. Les Allemands progressent par bonds individuels, en ligne d'escouades, à grande distance. En quelques minutes, une quinzaine semble-t-il sont hors de combat. Le capitaine Dumas envoie un des trois groupes de réserve, celui du brigadier-chef Sorel, en renfort au peloton attaqué. L'action de Sorel et de ses chasseurs a un effet décisif: l'ennemi abandonne l'attaque sur ce point.

A 10h30, les Allemands commencent à se montrer près du pont, mais n'insistent pas. Quelle est la situation vers 11 heures?

- à l'ouest de la route, au peloton Manet, tout va bien: l'ennemi ne progresse pas;

- à la route d'Amberloup: rien à signaler;

- à l'est de la route, le lieutenant de la Chapelle et ses chasseurs sont toujours soumis à un feu violent de l'ennemi parvenu à la lisière Nord de Libramont; mais les chars, gênés par la voie ferrée, ne progressent plus;

- à l'extrême droite, au peloton Masset, cela va moins bien: l'ennemi est presque arrivé au remblai du chemin de fer. Le groupe de combat du maréchal des logis Guignard «a supporté le poids le plus dur du combat. Débordé, puis séparé du reste de l'escadron, sa résistance a été extrêmement brillante»;

- les deux mitrailleuses du lieutenant de la Chapelle ont repéré le poste d'observation des mortiers allemands, et viennent de le détruire; elles se préparent à intervenir plus à l'Est, au profil du peloton Masset.

A 11h30 l'attaque ennemie sur la partie droite du 3e escadron est arrêtée, mais une dizaine d'Allemands sont parvenus au remblai du chemin de fer et de là, abrités dans l'angle mort, ils lancent des grenades. Une nouvelle attaque en direction du ponceau détruit se dessine. Un second groupe de combat de réserve du 3e escadron y est envoyé en renfort. Le capitaine Dumas demande un tir d'artillerie, mais il ne sera pas donné suite à cette demande, pas plus qu'aux précédentes. Le chasseur Quemion, motocycliste de liaison est tué. Alors, on enverra chaque fois un cavalier au galop. A midi, comme déjà dit plus haut, les deux dernières AMR françaises, venant du Nord, repassent le pont de Libramont, que le capitaine Dumas fait alors sauter. Les Allemands étendent leurs attaques vers les 2e et 4e escadrons. A midi et demi, on constate que l'ennemi ne cherche plus à progresser à pied, mais il ne diminue pas son tir d'armes automati­ques. Le tir des mortiers a cessé mais celui de pièces de 105 continue. L'avion d'observation est revenu. Deux chars se sont portés vers l'Est, et six autres sont visibles dans la partie Nord de Libramont, au nord de la voie ferrée. Une AMR française intervient: pour faire du volume, elle tire dans les fenêtres du ler étage des maisons situées au-delà du chemin de fer.

(2) Au 2e escadron (d'après le rapport du capitaine Ethuin)

De l'Ouest vers l'Est, le long du chemin de fer, il y a les pelotons Bazaille, Dorange, et Baijot (+ 1 groupe de Mi). Comme il n'y a aucune route importante en front, le canon de 25 est placé à droite, à la route de Neufchâteau. Le PC de l'escadron et le peloton Marsy, gardé en réserve, sont à Lamouline. Vers 8 heures les premiers ennemis sont aperçus: ce sont quelques motocyclistes, devant le peloton Bazaille. On tire, puis le feu s'étend vers le 3e escadron. Mais ensuite on voit des fantassins ennemis progresser vers le peloton Bazaille, qui les arrête à quelques centaines de mètres de la voie ferrée. Le lieutenant de Fombelle, du 5e escadron (de Mi et canons), arrive au PC et se met à la disposition du capitaine Ethuin, qui le charge de reconnaître un itinéraire de repli plein Sud, à travers bois. Tandis que l'escadron Dumas de Champvallier et le peloton de gauche (Bazaille) de l'escadron Ethuin sont fortement accrochés, les pelotons Dorange et Baijot ne voient devant eux que de faibles éléments à pied, dans les bois. Bazaille est toujours fortement engagé lorsque la droite du 3e escadron (peloton Masset) décroche de la voie ferrée. Au même moment le capitaine Ethuin reçoit l'ordre de repli. Celui-ci s'effectue dans l'ordre: Baijot, le groupe Mi, Dorange, Bazaille, le canon de 25, Marsy. Le brigadier Lamblin est tombé; on ne sait s'il est tué ou blessé.

b) Le repli du 12e Chasseurs à cheval

L'ennemi ayant percé à Neufchâteau et progressant en masse vers l'Ouest, le colonel Lesne reçoit à 13 heures l'ordre de se reporter, par échelons, sur la Semois, où le régiment occupera une position au nord de La Chapelle. Le mouvement s'avérera difficile, car les Allemands occupent déjà Bertrix, et lancent leurs chars pour couper les routes de repli des Français.

(1) Le 2e escadron

Le 2e escadron a décroché en premier lieu. Il a rencontré le lieutenant Beau et son escadron de cuirassiers, mais ceux-ci ne l'ont pas suivi. Au moment où il aborde la route de Fays-les-Veneurs, il rencontre le capitaine Ribes (du DSE), qui est là avec le sous-lieutenant Brosse-Duplan, 2 AMR, et des motocyclistes, et qui l'informe de la situation. L'escadron arrive en formation diluée à Fays­les-Veneurs, où l'ennemi venu de Neufchâteau se trouve déjà et le coupe en deux:

- le capitaine Ethuin et 2 pelotons qui ont traversé le village iront passer la Semois à Bouillon, puis se dirigeront vers l'emplacement qui leur est assigné: Beaubru (2 Km au sud-est de Bouillon).

- le lieutenant Dorange, avec les deux autres pelotons, se jette dans les bois vers l'Ouest, traverse la route Bouillon-Rochefort à Paliseul, puis pique vers le Sud, passe la Semois à Poupehan, et rejoint le capitaine à Beaubru en fin de journée.

(2) Le 3e escadron

Le 3e escadron décroche sans trop de difficultés, dans l'ordre: peloton Manet, peloton de commandement, canon de 25, groupe Mi, peloton Masset, peloton de la Chapelle. Mais au cours de l'opération le chasseur Durosay est tué à cheval. Vers 14 heures l'escadron achève de passer à Recogne, et dépasse le 1er escadron resté la veille à la cote 495 et chargé maintenant de couvrir le repli du 3e. Au 3e on fait l'appel, et dresse le bilan du combat de Libramont:

- les pelotons Manet et Rohart sont complets

- au peloton de la Chapelle il y a 2 blessés

- au peloton Masset il y a 4 tués, 7 blessés, et 2 disparus: les chasseurs partis le matin avec le brigadier Bodmer, «envoyé en patrouille le 11 mai, à cheval, est débordé par des éléments motorisés. A signalé l'arrivée de l'ennemi. Tué en accomplissant sa mission».

- au peloton de commandement il y a 2 tués, 9 chevaux sont tués, blessés grièvement ou disparus; 2 side-cars (du groupe moto du 15e RDP) sont détruits ainsi qu'un FM (par bombe d'avion).

Le 3e escadron, suivi du 1 er, se hâte vers Fays-les-Veneurs. A 15h30, un sous-officier motocycliste du 15e RDP arrive de la direction de Bouillon et prévient le capitaine Dumas de Champvallier que l'ennemi, avec des chars et des motocyclistes, tient la route Libramont-Bouillon au passage à niveau de la voie ferrée Paliseul-Bertrix, c'est-à-dire à environ 5 kilomètres avant Fays-les-Veneurs. Le 3e escadron continue au trot. Plusieurs pelotons de cuirassiers, déviés vers l'Ouest devant la marée feldgrau, sont devant lui. A 16h30, à 2 kilomètres environ avant le passage à niveau, les cuirassiers s'arrêtent et un de leurs officiers prévient les chasseurs à cheval qu'une reconnaissance envoyée par lui au passage à niveau en question, s'y est heurtée à des chars et motocyclistes ennemis, et a appris que Fays-les-Veneurs est fortement tenu. Le capitaine Dumas décide alors de faire un détour par le Nord-Ouest, en passant par Assenois et Offagne. L'escadron, survolé par des avions, commence son mouvement, couvert par des patrouilles fournies par le peloton Manet. Vers 17 heures, les cavaliers sont attaqués à la mitrailleuse par des avions les survolant en rase-mottes. L'escadron se jette dans les bois au sud de la route Assenois-Offagne. Les cavaliers progressent de bois en bois, peloton par peloton, au galop. Jusqu'à 21 heures les avions seront toujours présents, soit trois, soit deux, parfois un seul, observant tous les mouvements. Vers 18 heures le 3e escadron est dans un bois situé à environ un kilomètre à l'ouest de Fays-les-Veneurs. Le peloton Manet et quelques mitrailleurs mettent pied à terre. Manet et quelques chasseurs pénètrent dans Fays-les-Veneurs, en reconnaissance. Les autos-mitrailleuses et motocyclistes ennemis les laissent entrer dans la localité, puis tirent. Le cheval porte-FM est tué, mais les cavaliers sont indemnes et se replient.

Le 1er escadron arrive et se joint au 3e. Le capitaine Dumas décide de retraiter par Jehonville, Sart, Opont, Naomé, Oizy, et Vresse, en faisant mouvement en dehors des routes, et si possible sans entrer dans les localités.

A 18h40, en sortant des bois, les chasseurs à cheval voient arriver l'escadron Grognet du 11 e Cuirassiers, dévié lui aussi comme l'escadron Beau, et se dirigeant vers Fays-les-Veneurs. On le renseigne sur l'ennemi. Vers 19 heures, à Sart, les avions allemands reviennent et obligent 1er ler et 3e escadrons à continuer leur mouvement au galop, entre les bois. Naomé est atteint vers 20 heures, le peloton Manet toujours en avant. A 20h15 arrive de la région de Neufchâteau un détachement de 4 AMR et 6 side-cars, avec un officier du 15e RDP, qui se met aux ordres du capitaine Dumas. Les motorisés sont les bienvenus, et se répartissent en 3 patrouilles: une à l'avant-garde, sous les ordres du lieutenant Manet; une à l'arrière-garde, sous les ordres du lieutenant de la Chapelle; une en couverture sur le flanc dangereux (l'Est), sous les ordres de l'officier du 15e RDP, ira tenir les principaux carrefours avant l'arrivée du gros des 2 escadrons.

Vers 20h30, il y a un arrêt d'environ 20 minutes à Oizy à cause de l'aviation ennemie. Plusieurs groupes de combat des chasseurs, à pied, tirent au fusil sur les avions. Un chasseur de la fraction du Se escadron en renfort au 3e, est tué, et 2 chevaux sont blessés. A 21 heures le capitaine Dumas, resté au carrefour à un kilomètre au sud d'Oizy, pour contrôler le passage du détachement, s'aperçoit que le ler escadron ne suitplus. Au carrefour des routes Oizy/Vresse et Gros­Fays/Six Planes, le chasseur Lemaire signale une dizaine d'autos-mitrailleuses ennemies en direction de Gros-Fays. Il semble y avoir deux groupes de véhicules: l'un de 6 ou 7 autos-mitrailleuses, l'autre d'une douzaine de chars légers. De loin les Allemands ouvrent le feu et se lancent à toute vitesse vers le carrefour, tandis que les cavaliers français prennent le galop. Seuls le peloton Manet et le peloton de commandement passent et foncent sur Vresse; les autres pelotons se jettent dans les bois au nord de la route Oizy-Vresse. Les deux premiers pelotons franchissent la Semois vers 22 heures près de Vresse, à gué. Les pelotons Robart, Masset, de la Chapelle, avec les Mi et un canon de 25 passent la rivière vers 23 heures. Le 3e escadron se regroupe le 12 mai vers 4 heures du matin à Charleville. Au cours du repli de Libramont il a perdu 1 tué, 5 disparus, et a eu 6 blessés; 10 chevaux sont perdus ou hors de service.

(3) Le 1er escadron

Quant au 1er escadron, il arrive aussi à Charleville, après avoir passé la Semois aux Hautes Rivières (nord-ouest de Bohan). Les deux escadrons (1er et 3e) rejoindront leur régiment le 13 mai.

(4) Le 4e escadron

Cet escadron se replie sur Corbion par Ochamps, Jehonville et Offagne. Les 2 pelotons à cheval sont en tête, et arriveront sans incident à Bouillon et Beaubru. Les 2 pelotons cyclistes sont laissés en arrière à Ochamps pour tenir le village jusqu'à l'arrivée du DSE, mais celui-ci ne revient pas par cet axe. A 15 heures les deux pelotons sont violemment attaqués. Le sous-lieutenant La Salle, pour les sauver de l'encerclement, les renvoie sous les ordres du maréchal des logis-chef Morandeau. Lui-même prend un FM et, avec quelques chasseurs, se bat héroïquement. Sur le point d'être capturé, il réussit à gagner les bois ... mais il sera fait prisonnier 4 jours plus tard à La Chapelle (entre Bouillon et Sedan).

Quant à Morandeau avec les deux pelotons cyclistes, ils se heurtent à l'ennemi près de Mouzaive ... La moitié environ des cyclistes parviendront à rejoindre leur escadron deux jours plus tard.

c) Le 12e Chasseurs à cheval à la Semois

Le 12e Chasseurs à cheval, le soir du 11 mai, est donc réduit au 2e escadron, aux deux pelotons à cheval du 4e et à quelques fractions du 5e. Vers 19 heures il est établi sur la ligne Corbion-sortie Sud de Bouillon-Beaubru. Les deux compagnies du I/295e RI, qui étaient sur place, sont incorporées dans le sysfème de défense. Le PC régimentaire est à la ferme des Quatre Vents.

Le PC du général de Colstoun, commandant le Groupement Ouest, s'établit le soir à la Maison Friqnet.

II. - AU GROUPEMENT EST

1. - LES DÉTACHEMENTS AVANCÉS FRANÇAIS

Comme nous l'avons dit plus haut, il y avait le soir du 10 mai, devant le Groupement Est, deux détachement avancés, que nous  appellerons du nom de leurs chefs: les capitaines Fontant et de Chabot.

a) Le Détachement Fontant (commandant du 1er- Esc/15e RDP)

Ce détachement comprend:

- l'ex DD.2 du capitaine de Canchy (Comd du 2e/5e RAM):

- 1 peloton de 4 AMD du 1er/5e RAM

- 1 peloton moto (Toussaint) du 2e/5e RAM

- l'ex-DSF.: 2 pelotons de 3 AMR et 2 pelotons moto (chacun à une quinzaine de side-cars avec deux dragons) du 1er/15e RDP, constituant 2 groupements mixtes d'AMR et motos:

- celui du capitaine Fontant, avec le sous-lieutenant Combet

- celui des lieutenants Glasberg et Isaac.

- le peloton de 3 chars Hotchkiss (du 3e/5e RAM) de l'aspirant Guignard.

Où ce détachement passe-t-il la nuit du 10 au 11 mai?

- Fontant à Bercheux, avec l'ex DD.2 (de Canchy et Toussaint) et une fraction de l'ex DSE (Combet)

- Glasberg et Isaac à Lescheret

- Guignard et ses 3 chars un peu en arrière de Fontant, sur la route de Neufchâteau.

 

b) Le Détachement de Chabot (commandant du 4e Esc moto/5e RAM)

Ce détachement, ex-DD/DSE du sous-groupement Sud du Groupement Est, comprend:

- 2 pelotons motocyclistes (Baudouin et Koltz) du 4e/Se RAM

- 1 peloton antichars (4 canons de 25) du Se EDAC

Il s'installe pour la nuit à Wittimont.

2. - LES ALLEMANDS

C'est la 1ère Panzer qui va attaquer Neufchâteau et le Groupement Est de la 5e DLC, mais à Bercheux, contre le gros du détachement Fontant, c'est la 2e Panzer.

a) La 2e Panzer

Comme dit plus haut, la 2e Panzer a été arrêtée le 10 mai par le peloton de Chasseurs ardennais de Strainchamps. Le 11 mai, pour aller attaquer le Groupement Ouest de la 5e DLC à Libramont, elle devra donc prendre la direction du Nord-Ouest et traverser la route Neufchâteau-Bastogne aux environs de Bercheux. C'est le bataillon motocycliste de la division qui est en tête. II est guidé par un des 12 avions Henschel de l'escadrille d'observation divisionnaire. Régulièrement, le pilote lance un tube enveloppé de tissu jaune, bien visible, et qu'on repère et trouve facilement au sol. Le message qu'il renferme donne de précieuses indications sur l'itinéraire (barricade, côté où le contournement est possible, etc) alors que les Français hélas! sont quasi aveugles, faute d'aviation. Dès 4h30 cette tête de la 2e Panzer bouscule à Petite-Rosière et à Bercheux le capitaine Fontant, et ensuite ira attaquer le Groupement Ouest de la 5e DLC, comme décrit plus haut.

b) La 1ère Panzer

La 1ère Panzer va foncer en direction générale de Neufchâteau. Le 10 mai, pour attaquer les positions des Chasseurs ardennais de Martelange et Bodange, défendant la vallée très encaissée de la Sûre, elle a mis en oeuvre sa brigade de fusiliers et son bataillon motocycliste. Le soir, ces éléments cantonnaient dans la région Fauvillers-Bodange sous la protection de «sûretés» établies sur la ligne Volaiville-Witry. De Fauvillers à Neufchâteau le terrain est beaucoup plus facile, et aucune position organisée belge ou française ne s'y trouve avant Neufchâteau. Aussi, le 11 mai, le général Kirchner, commandant la 1ère Panzer, va-t-il lancer ses chars en avant. Dans son ordre émis le soir du 10, pour la journée du 11, Kirchner prescrivait à sa Panzerbrigade (Panzerregimenter ou «PzR» 1 et 2) d'atteindre dans la nuit du 10 au 11 la région d'Ebly, afin de pouvoir, le 11, attaquer en direction des passages de la Semois à Rochehaut et Bouillon en contournant Neufchâteau, - considéré comme un point fort -, par le Sud, c'est-à-dire par Hamipré. Mais le pont de Bodange n'a été utilisable qu'à 20h15, et ce n'est que le 11 mai à 6h30 que le PzR.2, régiment de tête de la brigade de chars, après une halte à Traimont où les chars de la compagnie de tête ont ouvert le feu sur des Français du détachement de Chabot, atteint les bois à l'est de Namoussart, et se prépare à l'attaque. A ce moment-là le PzR.l n'est encore qu'au pont de Bodange.

 

 

Chacun des PzR. l et 2 comprenait 2 bataillons de 3 compagnies de chars (1 de chars moyens, et 2 de chars légers). D'après les historiens de la lre Panzer (39), le 10 mai 19401e PzR.l comptait au total 139 chars, dont 28 «Panzer IV» et 32 «Panzer III») (40).

(39) Rolf Stoves: Die 1. Panzer-Division 1935-1945 (Verlag Podzun, Bad Nauheim, 1961) et Ch. von Lucke: Die Geschichte des Panzer-Regiment 2 (Boss-Drick und Verlag, Kleve, 1953).

(40) Les chars allemands de 1940 étaient de 4 types: type I: 2 Mi; II: I canon de 20 mm; III: 1 canon de 37; IV: 1 canon de 75.

A 8h30, le PzR.2 passe à l'attaque, ses 139 chars étant répartis en deux vagues. En plus des 28 canons de 75 des chars du type Panzer IV, les chars sont appuyés par les 12 obusiers de 105 du Ier groupe du 73e régiment d'artillerie. Cela fait 40 pièces d'artillerie ... en plus des petits canons de 37 et 20 mm et des mitrailleuses des chars légers ... Le PzR.2 attaque sur un front étroit, au sud de Hamipré, où les Français possèdent en tout six petits canons de 25 mm: 2 à l'escadron Grognet (2e du 11e Cuirassiers, sur les 4 que possède le régiment), et 4 (du 5e EDAC) au détachement de Chabot.

A 9h30 1e PzR.2 traverse le chemin de fer Namur-Arlon et la route Neufchâteau-Rossignol, au sud de Hamipré, puis atteint Montplainchamps. A ce moment-là le PzR.l est encore loin en arrière. Nous verrons la suite plus loin.

 

3. - LES ÉVÉNEMENTS AU DÉTACHEMENT FONTANT

Dès l'aube du 11 mai le lieutenant Glasberg, qui a passé la nuit à Lescheret, pousse quelques reconnaissances vers l'Est. Rien à signaler. Mais il n'en va pas de même dans la région de Bercheux. A peine après avoir quitté le village, vers 3 heures du matin, pour aller à la découverte dans la direction de l'ennemi, le capitaine Fontant est arrêté à hauteur de Petite-Rosière par le feu de chars, appuyés par de l'infanterie et des motocyclistes. A 4h30, Fontant inscrit ce renseignement sur un message qu'il envoie par l'estafette motocycliste au PC du colonel Labouche, à Petitvoir. Le lieutenant Toussaint et ses AMD reçoivent mission de faire du combat retardateur, et de se replier par bonds. Un message est envoyé au lieutenant Glasberg, à Lescheret: «Me replie sur Neufchâteau; pour vous liberté de manoeuvre; concentration à Longlier». Fontant et Toussaint se replient lentement. Ils font tellement de volume qu'à 6 heures l'artillerie allemande intervient: elle tire sur Bercheux. A ce moment-là les Français sont à environ 1 kilomètre à l'est de Molinfaing.

A 7 heures, à son PC de Petitvoir, le colonel Labouche reçoit le message de 4h30 du capitaine Fontant. Il donne aussitôt l'ordre de faire rentrer le détachement dans les lignes (donc en deça de Neufchâteau), «afin de permettre éventuellement l'action du groupe d'obusiers de 105 installé à Petitvoir». Fontant se replie donc, mais très lentement: à 10 heures il sera encore à Longlier. Et le peloton de chars de l'aspirant Guignard? Le maréchal des logis-chef Gouya écrit: «A l'aube, nous sommes attaqués; nous nous battons en nous repliant sur Neufchâteau, où mon peloton arrive vers midi».

Entre-temps, qu'a fait Glasberg? Pour ne pas être débordé à Lescheret, d'où il n'a aucune vue, il s'est replié d'environ un kilomètre, de manière à se trouver sur un petit plateau, d'où les vues sont bonnes. Bientôt il reçoit quelques coups de feu, mais ne voit rien. Et puis voici qu'au loin apparaissent des chars, avançant très lentement. Glasberg, qui n'a plus aucune liaison avec les détachements voisins, se replie lentement vers l'Ouest, par un itinéraire qu'il ne connaît pas puisqu'il était arrivé à Lescheret en venant de Vaux- lez-Rosière. Il écrit: «Ma route de repli est barrée par de gros troncs d'arbres; par qui ont été établies ces barricades? Je suis obligé de chercher un chemin de repli à travers la forêt». Ce sont évidemment les Belges qui ont réalisé ces abattis, mais Glasberg n'a vu aucun Chasseur ardennais ou soldat belge du génie, et ignore évidemment que les routes et chemins autres que leurs itinéraires de repli (en direction générale du Nord-Ouest) ont été obstrués dès la seconde partie de la nuit du 10 au 11 mai, après l'alerte. Ce n'est qu'après plusieurs essais infructueux que Glasberg parvient à se dégager avec ses AMR et motos, et arrive vers 10 heures près de la voie ferrée, à un kilomètre environ au sud de Longlier. Là, sur la route Longlier-Offaing, il établit une barricade, et pose des mines. La liaison est reprise avec le capitaine Fontant, qui regroupe tout son détachement à Neufchâteau. Il est environ midi. Les véhicules font le plein d'essence. Les trois chars du peloton Guignard reçoivent l'ordre de se rendre au bois de Petitvoir, pour assurer la défense du PC du colonel Evain. Fontant met Glasberg en surveillance au sud de Neufchâteau, et Combet aux lisières Sud-Ouest. Bientôt Glasberg voit des chars allemands apparaître sur une crête, en direction du Sud-Ouest, et Combet rapporte que des chars s'infiltrent en direction de l'Ouest. La seule route de repli paraissant libre est celle du Nord, vers Libramont. Le capitaine Fontant donne à Glasberg l'ordre de se porter à Tournay avec son détachement, ainsi que les 3 chars Hotchkiss de l'aspirant Guignard. II faut tenir les routes, pour permettre le repli des autres éléments de la division, et couvrir la retraite. Le détachement Fontant quitte Tournay vers 15h30. Nous verrons plus loin ce qu'il devient ensuite.

 

 

 

 

4. - LE DÉTACHEMENT DE CHABOT

A l'aube du 11 mai, le capitaine de Chabot décide, puisqu'il ne peut plus déboucher de Wittimont à cause des barricades, d'aller retrouver son axe à Bombois, en faisant un crochet par l'arrière, c'est à-dire par Bernimont, Offaing et Mon Idée. Le détachement démarre dès 3h30, et un peu plus tard atteint Offaing, où il livre aux cuirassiers le Feldwebel capturé la veille au soir. Et la progression du détachement continue vers l'Est. Le peloton Baudouin est en tête. Après Bombois il arrive devant Traimont. Le maréchal des logis Jaick aperçoit dans le village des chars ennemis. Baudouin en compte jusqu'à 32. Les Français sont survolés par un petit avion espion, un Henschel sans doute de l'escadrille d'observation de la 1ère Panzer, qui lance 2 fusées blanches pour avertir ses compatriotes. Il est 8 heures. Etant seul en avant en observation, Baudouin reçoit une salve d'obus; il donne l'ordre de repli, et rend compte au capitaine.

Tandis que le détachement de Chabot se replie par échelons, Koltz et 4 motocyclistes ont mis pied à terre et placent des mines; mais, soumis au feu ennemi et débordés, ils sont obligés, après quelques minutes, de se jeter dans le bois. Le brave Koltz, blessé, retraite péniblement à travers les forêts, mais sera fait prisonnier le 15 mai à Villers-devant-Orval.

Le détachement de Chabot parvient à franchir le pont d'Hamipré, détruit, et se regroupe au Sart, où il s'installe en défensive face à l'Est. Le capitaine, averti vers 9h30 du repli de l'échelon à cheval (II/11e Cuirassiers et I/60e GRDI), conformément aux ordres, sur la ligne Neufchâteau-Straimont, avertit les cavaliers de l'arrivée de blindés ennemis.

Vers 10h30 les chars allemands passent à l'attaque, et le détachement français est la cible de plusieurs obus. Il reçoit l'ordre de se replier sur Nolinfaing, où le même scénario se reproduit: installation en défensive, et aussitôt attaque de chars. Le détachement se replie sur Montplainchamps et Grapfontaine, où il rejoint les éléments motorisés du 60e GRDI, en repli aussi. Sur ordre du colonel du Passage, le détachement de Chabot fait l'arrière-garde de la colonne du 60e GRDI en repli sur Saint-Médard, par Martilly. Dans cette dernière localité, le détachement de Chabot s'installe défensivement sur la Vierre, avec le IIe groupe du 11e Cuirassiers.

Les Français sont attaqués par des avions volant bas. Vers 18h30 le 2e groupe (du brigadier-chef Haddard) du peloton Baudouin est mis à la disposition du 3e escadron (Mi et engins) du 60e GRDI, et occupe les sorties Est et Sud de Saint-Médard. Le groupe du maréchal des logis Branquet reçoit pour mission de chercher la liaison avec le Ier bataillon du 15e RDP, à Bertrix. Un peu après 18h30 1e détachement de Chabot reçoit l'ordre de se replier sur la Semois, et quitte Martilly. Il va franchir la Semois à Martué, puis cantonne à Fontenoille.

 

5. - LES ÉVÉNEMENTS DANS LE QUADRILATÈRE NEUFCHÂTEAU-LES FOSSÉS - SUXY-STRAIMONT

a) Le dispositif français à l'aube du 11 mai: 3 escadrons hippomobiles sur- la ligne Neufchâteau-Les Fossés.

(1) L'escadron Grognet (2e/11e Cuirassiers)

C'est l'escadron Grognet qui est chargé de la défense de Neufchâteau. Il s'est organisé comme suit:

- au Nord-est, le peloton Thomas, avec 1 canon de 25 défendant la route de Longlier;

- au Sud-est le peloton Elie de Rothschild, avec 1 canon de 25 battant la route de Hamipré;

- au centre, dans Neufchâteau: les pelotons Meaudre et Venturini, dressant des barricades et organisant la défense de la ville;

- PC du capitaine Grognet: à la sortie Sud-ouest de Neufchâteau.

Remarques:

- le PC de Grognet est jumelé avec celui du capitaine Finaz, commandant du I/11e Cuirassiers (2e escadron Grognet, et 1er du capitaine Beau, voisin de gauche du 2e, à Tournay);

- le PC du colonel Labouche, Comd le 11e Cuirassiers, est à Petitvoir.

Le capitaine Grognet écrit dans son rapport que sa mission était d'empêcher le franchissement de la voie ferrée par l'ennemi pendant 2 à 3 jours, selon des instructions verbales qui lui furent données le 11 mai par le colonel, et confirmées à 8h30 par le lieutenant Leaute, officier de renseignements du régiment, et à 10 heures par le capitaine Finaz.

(2) L'escadron Pillafort (3e du 11e Cuirassiers)

L'escadron Pillafort défend la voie ferrée Namur-Arlon au sud de l'escadron Grognet, jusqu'à «Les Vignes». Il dispose d'un canon de 25 de l'escadron régimentaire d'engins.

(3) L'escadron André (1er du 60e GRDI)

L'escadron André est au sud de celui de Pillafort, jusqu'à «Les Fossés».

(4) Sur la bretelle Neufchâteau-Straimont (exclu)

Sur cette bretelle il y a les escadrons motorisés (2e et 3e) du 60e GRDI; ils ne disposent d'aucune arme antichars. Sur cette bretelle ou un peu en arrière il y a aussi le 4e escadron du 11e Cuirassiers, en réserve.

Rappelons-nous l'ordre du général Chanoine, le 11 mai à 4h45: vu la tournure des événements le 10 mai à la 2e DLC, la Ire Brigade de cavalerie (1ère BC: l er Hussards et 8e Chasseurs à cheval), qui se trouve entre les 2e et 5e DLC, doit étendre sa gauche jusqu'à Straimont inclus, tandis qu'à la 5e DLC, la droite (II/11e Cuirassiers et 1er/60e GRDI) doit se replier sur la bretelle Neufchâteau-Straimont (ex). De ce fait, à Neufchâteau, l'escadron Grognet devra forcément adapter sa droite, c'est-à-dire la reculer, pour rester en liaison avec la gauche de la nouvelle position de Pillafort.

b) Les événements du 11 mai

Après le franchissement, vers 9h30, du chemin de fer et de la route de Rossignol, au sud de Hamipré, les chars de la 1ère Panzer progressent vers Petitvoir. Les unités françaises sont donc tronçonnées en trois fractions:

- à Neufchâteau, l'escadron Grognet et le détachement Fontant et sans doute aussi le 4e/11e Cuirassiers:

- vers Nolinfaing-Montplainchamps-Grapfontaine: le détachement de Chabot, et les éléments motorisés du 60e GRDI;

- en repli vers Straimont, via Suxy: les escadrons à cheval Pillafort (3e/11e Cuirassiers) et André (1er/60e GRDI.

(1) Les événements à Neufchâteau

D'après le capitaine Finaz, commandant le I/11e Cuirassiers, une première attaque de chars a lieu vers 7 heures, au sud de la route Neufchâteau-Longlier; 5 chars sont atteints par le canon de 25 du peloton Thomas, et l'attaque est brisée. D'après Gounelle (41), «le tireur FM Provost réussit à toucher un gros avion Dornier, qui s'abat en flammes».

(41) Gounelle: Sedan, p. 90.

En face de Hamipré le premier contact est pris à 8h30 par le peloton Rothschild. Gounelle écrit (42) que les cuirassiers du lieutenant Elie de Rothschild, «réussissent à détruire 4 chars et 6 sidecars. Devant la barricade érigée à la sortie de Hamipré, 3 véhicules ennemis furent arrêtés par un canon de 25 de l'escadron Seguin (Ndlr: 5e/11e Cuir.), servi par le brigadier Chicot, le tireur Andreaux et le chargeur Thévenet, sous les ordres du maréchal des logis Michelon». Mais le peloton français est menacé sur son flanc droit par le repli, vers la même heure, de l'escadron Pillafort, conformément aux ordres rappelés plus haut. Le capitaine Grognet, vers 10h30, fait reculer Rothschild, qui s'installe sur une nouvelle position aux lisières Sud de Neufchâteau. Il y est renforcé par le peloton Meaudre. Sur ordre des Français, le lieutenant belge Fairon fait sauter les destructions Nf. 6, à 8h35, ainsi que Nf. 1 et 2, à 10h40. Une patrouille d'AMR et motos du détachement Fontant va et vient sur la route Neufchâteau-Warmifontaine.

(42) Gounelle: Sedan, p. 89.

Les mouvements des chars ennemis menacent de plus en plus la droite de l'escadron Grognet. A 11h20, un motocycliste envoyé à Petitvoir au PC du colonel Labouche revient: il n'a pu passer, il signale que ce PC est en flammes, et que les chars allemands sont dans le village. Le lieutenant Leaute, officier de renseignements du Corps, se trouvant à Neufchâteau, essaie d'aller à Petitvoir derrière une patrouille d'AMR et motos; il revient: impossible de passer. Alors, à 11h45, le capitaine Finaz décide le repli sur Tournay. Le capitaine Fontant fait faire une reconnaissance sur Fineuse et Grandvoir, et assure la protection de l'escadron Grognet. Tous les éléments parviennent à Tournay, où se trouve toujours l'escadron du capitaine Beau (ler/11e Cuir.).

(2) Vers Nolinfaing-Montplainchamps-Grapfontaine

Les 2e et 3e escadrons motorisés du 60e GRDI étaient initialement déployés sur la bretelle Neufchâteau-Straimont. A Straimont, il y avait un peloton moto du 2e, un peloton de Mi du 3e, et 2 canons de 25 de l'EDAC. Ces éléments de Straimont se replient vers les gros de leurs unités, plus au Nord, vers 8 heures, c'est-à-dire dès l'arrivée à Straimont du 2e escadron du l er Hussards (de la 1ère BC), conformément aux ordres prescrivant à la Ire BC d'étendre sa gauche jusqu'à cette localité.

Dès que le détachement de Chabot les rejoint, et qu'apparaissent une quarantaine de chars ennemis, les 2e et 3e escadrons du 60e GRDI se replient sur la 2e position française Gribomont/Saint-Médard, où se trouve le Ier bataillon du 15e RDP. Le détachement de Chabot, comme dit plus haut, fait l'arrière-garde.

Et le 4e escadron du 11e Cuirassiers? Les archives ne disent de lui que quelques mots:

- initialement en réserve (derrière l'escadron Grognet ou l'escadron Pillafort?);

- «il exécute le mouvement (de repli vers la position Gribomont/Saint-Médard) sans difficulté»;

- le soir du 12 mai il est encore «à peu près complet».

Il est donc quasi certain que cet escadron aura retraité en même temps que les 2e et 3e du 60e GRDI.

(3) En repli vers Straimont, via Suxy: les escadrons Pillafort et André.

D'après les archives du 60e GRDI, l'escadron du capitaine André ne se décroche que péniblement, en présence des chars allemands. Trouvant Suxy déjà occupé par l'ennemi, il attaque pour s'ouvrir le passage, aidé par l'escadron Pillafort. Mais il échoue. «De l'escadron André, aucun élément n'est revenu; on sait seulement qu'il a été détruit à Suxy après s'être énergiquement battu».

Le capitaine Pillafort a heureusement fait un rapport plus complet des événements. L'escadron André ayant du retard, il l'attend un moment à Assenois, puis, ne le voyant pas arriver (car, attaqué, André n'a pas pu emprunter l'itinéraire prévu), et apercevant une trentaine de chars entamant un mouvement vers le Sud, et ouvrant le feu à 2.000 mètres, il démarre et entre dans le bois touffu situé au sud du village. L'escadron Pillafort traverse une clairière sous le feu de chars arrivés à environ 600 mètres. Une centaine de vaches sont tuées... sans qu'un seul cuirassier soit touché. Mais l'unique canon de 25 s'est trompé de route, et dès ce moment est considéré comme perdu. L'escadron se regroupe. Pour arriver à Straimont il est nécessaire de passer par Suxy. En route donc vers Suxy. A la sortie des bois, Pillafort trouve quelques éléments de l'escadron André, avec les lieutenants Delisée et Laguette. Il prend le commandement de tous ces cavaliers, et donne ses ordres:

- le sous-lieutenant de Saint-Mathieu (du 3e/11e Cuirassiers), avec 2 pelotons, ira occuper la crête dominant Suxy;

- le lieutenant Laguette et son peloton (du 1er/60e GRDI) déborderont Suxy par la gauche;

- le peloton Delisée (du 1er/60e GRDI) cherchera une position pour couvrir les mouvements par ses feux.

Les deux pelotons de cuirassiers gagnent la crête à hauteur d'une petite chapelle située sur le côté droit de la route descendant du Nord sur Suxy, à environ 600 mètres au nord du village. Mais ils sont accueillis par un violent feu ennemi; une fraction du régiment Grossdeutschland, en renfort à la 10e Panzer, occupe en effet déjà Suxy. En quelques minutes les 4 fusils-mitrailleurs des deux pelotons de cuirassiers mettent hors de combat les servants d'un canon de 37, en batterie à un angle du cimetière de Suxy. Mais néanmoins les mouvements des pelotons Laguette et Delisée sont bloqués par l'ennemi dès leur début. Et de nouveaux mouvements, cette fois d'une plus grande amplitude, sont tout autant voués à l'échec. Les Allemands font intervenir plus de 200 hommes, arrivés sur véhicules blindés. Les pertes chez les Français commencent à devenir sérieuses: aux pelotons du 1er/60e GRDI il y a 4 tués (le lieutenant Germain Laguette, le maréchal des logis Robert Huet et les cavaliers Gaston Bova et Auguste Quedeville) et un certain nombre de blessés. Chez les cuirassiers, il y a 3 blessés graves.

Devant l'arrêt des mouvements de débordement français, les Allemands eux-mêmes entament une double manceuvre par les ailes, tandis que leurs mitrailleuses balaient la route du Nord. Le capitaine André, avec le restant de son escadron, vient rejoindre Pillafort. Ce dernier lui demande de faire intervenir son mortier de 60 mm pour neutraliser le canon de 37 ennemis. Mais cette action ne produit aucun résultat. Devant l'échec total des 2 escadrons français, qui ne parviennent pas à déboucher des bois, - ce qui n'est pas étonnant, vu le nombre et l'armement des adversaires -, Pillafort décide de gagner Straimont par les bois. Il parviendra finalement à rejoindre le gros de la colonne du commandant Le Balle (II/11e Cuirassiers), mais au prix de grosses pertes: sur les 179 cuirassiers de l'escadron, 42 manquent à l'appel.

 

III. - LES ALLEMANDS: LA PROGRESSION DES TROIS DIVISIONS BLINDÉES DANS LE SECTEUR DE LA 5ème DLC, APRÈS LA PERCÉE DE LA POSITION FRANÇAISE DU CHEMIN DE FER NAMUR-ARLON (TRANSVERSALE 0.3)

Une caractéristique commune aux trois Panzers en cause, le 11 mai, c'est qu'elles se dirigent d'abord grosso modo de l'Est vers l'Ouest, avant d'obliquer vers le Sud, en direction générale de Sedan.

1. - LA 2e PANZER, DANS LE NORD DU SECTEUR DE LA 5ème DLC

Vers 14 heures, après la prise de Libramont, la 2e Panzer a continué sa progression, en deux colonnes:

- celle du Nord, qui doit aller par Ochamps, Anloy, Framont... Elle se compose du groupe de reconnaissance divisionnaire (Panzeraufklärungabteilung ou PzAA.5: 56 grosses autos blindées à 8 roues) du régiment de fusiliers n° 2 (Schützenregiment 2 ou SR.2) moins son IIIe bataillon, et d'un groupe d'obusiers de 105 de FAR.74.

- celle du Sud, qui après le carrefour situé au nord de Bertrix, doit aller par Jehonville, Paliseul... Elle comprend le bataillon motocycliste (Krad.2), le III/SR.2, 2 groupes d'artillerie, le groupe antichars (Panzerjägerabteilung ou PzJgAbt.38), la brigade de chars (PzBr.2), enfin un bataillon de pionniers (Pi.38).

Le soir du 11 mai, ces colonnes auront atteint respectivement Ochamps et Paliseul... Mais les 56 autos blindées du PzAA. 5 se répandent bien plus loin, dans toutes les directions.

2 - LA 1ère PANZER, AU CENTRE

Vers 9 heures, alors que le DD-DSE du capitaine Fontant est encore à l'est de Neufchâteau, vers Longlier, une trentaine de chars allemands arrivent au sud-est de la ville, et s'arrêtent momentanément parce qu'ils sont pris à partie par la batterie d'obusiers de 105 français en position à Petitvoir... Mais la colonne de la 1ère Panzer reprend vite son mouvement...

Après avoir atteint Montplainchamps, un peu après 9h30, le PzR.2, régiment de tête, continue sa progression et atteint Grapfontaine, puis Warmifontaine, un peu avant 11 heures. A 11h30, devant Petit voir où les Français résistent, le PzR.2 demande des renforts. Le bataillon motocycliste (Krad.1) lui est attribué, et rejoint la queue de la colonne du PzR. 2 à Grapfontaine. Au sud de Petitvoir, près du ruisseau de la Rosière, la batterie française de 105 du capitaine Leinekugel est en pleine action. Soudain, sur la colline dominant l'est et de sud-est du village, apparaissent les chars allemands, qui ouvrent aussitôt le feu. Le capitaine français a le poignet arraché par un obus, et perd connaissance; ses artilleurs blessés se réfugient dans la ferme Englebert.

D'après les archives de la 1ère Panzer, on peut conclure que l'itinéraire de cette division, parcouru par le PzR.2, régiment de tête, passait par Witry, Traimont, Namoussart, Offaing, le sud de Hamipré, Montplainchamps, Grapfontaine, Warmifontaine, Petitvoir. Le PzR.1, qui suit le PzR.2, atteint Grapfontaine à 14 heures, puis, se plaçant à gauche (donc au sud) du PzR.2, va occuper Biourge et Rossart, tandis que le bataillon motocycliste de la division est à Nevraumont.

3. - LA 10e PANZER

Le soir du 10 mai, la 10e Panzer, l'IRGD en tête, avait atteint la ligne générale Marbehan-Poncelle. Mais la résistance de la 2e DLC française a été si forte - au point d'empêcher la 10e Panzer d'atteindre son objectif du jour: Florenville -, que les Allemands modifient leurs ordres: déjà à 21h50 (22heures50, heure allemande) le général Guderian, commandant le XIXe Corps, a ordonné à la 10e Panzer d'obliquer vers le Nord-ouest jusqu'à la ligne Léglise/Grapfontaine/Saint-Médard, puis de redescendre vers le Sud-ouest pour aller passer la Semois dans le secteur Cugnon-Mortehan. Ce qui va donner lieu le 11 mai à des combats contre la Ire BC française (à Suxy contre le 4e escadron du 8e Chasseurs à cheval, et à Straimont contre le 2e escadron du l er Hussards) (43). Ces combats sont livrés à Suxy par l'IRGD, dont la puissance de feu est extraordinaire puisque, en plus de ses deux bataillons (le IIIe a été chargé de l'opération Niwi), il possède 4 compagnies régimentaires d'engins d'appui:

- la 13e: 6 canons d'infanterie de 75 mm - la 14c: 12 canons (le 37 et 4 Mi légères

- la 15e: 2 canons d'infanterie de 150 min

- enfin une 16e (chose unique dans l'infanterie allemande): 12 canons d'assaut: des pièces de 75 mm sur affûts chenillés automoteurs

(43) A. BIKAR: La 1ère Brigade de Cavalerie fr-ançaise (1ère BC) dans les Ardennes, les 10, 11 et 12 mai 1940. in Revue Belge d'Histoire militaire, n° de septembre 1989.

A Straimont, il s'agit du SR.86.

Vers 19 heures, les véhicules de transport ayant enfin rejoint, l'IRGD se reforme en colonne à Suxy et progresse vers le Nord-ouest, c'est-à-dire Wautiénaut. Le soir, le Ier bataillon cantonnera à Saint Médard, de même que le groupe de reconnaissance de la 10e Panzer (PzAA.90); le IIe bataillon arrivera à Saint-Médard dans la nuit du 11 au 12 mai.

La limite latérale commune entre les 1ère et 10e Panzer, non fixée le 10 mai, passe le 11 mai par Les Fossés, mais le 12 mai à 2 heures du matin, par ordre du commandant de la 10e Panzer, ses unités peuvent aller jusqu'à la ligne Grapfontaine-Orgéo. Cela ne fait qu'entériner une situation de fait, car déjà le 11 mai, à Straimont et Martilly, ce sont des éléments de la 10e Panzer (probablement le PzAA, 90 et des renforts en fusiliers et chars) qui ont attaqué les Français.

A. BIKAR Lieutenant-Colonel Hre, Ancien chef de la Section Historique des Forces Armées belges.

 

 

ANNEXE 1

COMPOSITION DE LA 5e DIVISION LEGERE DE CAVALERIE (5ème DLC) ET DE SES RENFORTS, POUR LES OPERATIONS EN BELGIQUE

I. - UNITÉS ORGANIQUES DE LA 5ème DLC

6e Brigade de Cavalerie (6e BC), à cheval:

- 11 e Cuirassiers

- 12e Chasseurs à cheval

Chacun à   - 2 groupes d'escadrons de fusiliers (GE):

Ier GE: 1 er et 2e escadrons, chacun à 4 pelotons à 2 FM

IIe GE: 3e et 4e escadrons, chacun à 4 pelotons à 2 FM.

- un Se escadron de Mi et engins (EME):

- 8 Mi (2 pelotons à 2 groupes de 2 Mi

- 4 canons de 25 antichars (1 peloton)

- 4 mortiers de 60 mm (1 peloton)

Remarques: au 12e Chasseurs à cheval, 2 pelotons du 4e escadron sont cyclistes; et, au 11e Cuirassiers, un escadron est cycliste.

 

15e Brigade Légère Mécanique (15e BLM) (1):

- 5e RÉGIMENT D'AUTOS-MITRAILLEUSES (5e RAM), à 2 groupes de 2 escadrons:

Ier GE:    - ler escadron «de découverte»: 14 autos-mitrailleuses de découverte (AMD)

- 2e escadron motocycliste (4 pelotons de 13 side-cars; et 1 mbrtier de 60)

IIe GE:    - 3e escadron «de combat»: 14 autos-mitrailleuses de combat, remplacées à la 5e DLC par des chars Hotchkiss

- 4e escadron, motocycliste (comme le 2e)

 

- 15e RÉGIMENT DE DRAGONS PORTÉS (15e RDP), à 2 bataillons (Ier et IIe) identiques, chacun à 3 escadrons:

- au Ier bataillon:

- ler escadron mixte d'autos-mitrailleuses de reconnaissance (AMR) et motos

- 2e escadron de fusiliers portés, sur voitures à 6 roues tous terrains

- 4e escadron de Mi et engins (8 Mi, 4 canons de 25, 4 mortiers de 81 mm)

- au IIe bataillon: 5e, 6e et 8e escadrons, respectivement comme les 1er, 2e et 4e

 

NB: il n'y a pas d'escadrons portant les n° 3 et 7.

 

- 78e RÉGIMENT D'ARTILLERIE (78e RA) à 2 groupes:

Ier : 3 batteries de 4 canons de 75 Tracté Tout Terrain

IIe: 3 batteries de 4 canons de 105 C sur trains rouleurs

 

- 5e ESCADRON DIVISIONNAIRE ANTICHARS (5e EDAC, administré par le 5e RAM):

3 pelotons de 4 canons de 25, transportés sur voitures à 6 roues

-

 10e BATTERIE DIVISIONNAIRE ANTICHARS (10e BDAC, administrée par le 78e RA):

4 pelotons de 2 canons de 47.

 

- Compagnie de Sapeurs-mineurs No 34/1 à 3 sections: 1 section moto, 1 sur camionnettes, 1 sur camions GMC de 2 tonnes, tous terrains (TT).

-

 Des unités des Services:

Compagnie mixteradio-fil (transm) n° 34/84,

Compagnie hippomobile n° 34/9

Compagnie automobile n° 134/9

Groupe d’Exploitation Divisionaire (intendance) N) 31/9

Groupe Sanitaire Divisionnaire n° 34

Groupe Aérien d’Observation n° 507.

.

(1) Ces brigades des DLC, autres que celles à cheval, sont appelées Motorisées par certains auteurs, ou Mécanisées par d'autres comme Ornano. En fait elles sont les deux à la fois: motorisées (motocyclistes et dragons portés), et mécaniques (AMD, AMR, chars).

 

II. - UNITÉS EN RENFORT

Il s'agit d'unités du Xe Corps du général Grandsard, en position à la Meuse dans la zone de Sedan: 55e DI à gauche, 3e DINA (DI nord­africaine) à droite, et 71e DI à 60 Km à l'arrière, en réserve de la 2e Armée. Mais cette DI a laissé certains éléments à Sedan, notamment son groupe de reconnaissance, et il est prévu qu'en cas d'alerte elle sera intercalée entre les deux autres.

1. - Groupes de Reconnaissance (GR):

- 60e GRDI (de la 71e DI)

- 64e GRDI (de la 55e DI) chacun à 3 escadrons: 1er à cheval, 2e moto, 3e de Mi et engins (8 Mi et 2 canons de 25)

-12e GRCA (du Xe Corps), à 2 groupes:

- Ier à cheval, à 2 escadrons (1er et 2e) renforcés par des Mi, des mortiers et des canons de 25

- IIe, motorisé, à 2 escadrons: le 3e motocycliste, et le 4e de MI et engins (8 Mi, 1 mortier de 60 mm et 4 canons de 25)

matériel roulant: 22 voiturettes et 67 motos, remplaçant les side-cars prévus.

2. - Infanterie: Ier bataillon du 295e RI, de la 55e DI, et IIIe bataillon du 12e Zouaves, de la 3e DINA

3. - Génie: 3 compagnies et demie, du Xe Corps. Pour les destructions à opérer en territoire belge, et la pose de mines (57 dispositifs sur routes). Ces compagnies sont transportées en camions.

 

 

 

 

 

ANNEXE 2

ORDRE DE BATAILLE DES OFFICIERS DE LA 5e DLC ET DE SES RENFORTS

D'après les archives de la 5ème DLC. Cet ordre de bataille est incomplet, et renferme certainement quelques erreurs dues notamment à des mutations intervenues très peu de temps avant le 10 mai 1940.

Remarques:

1. A la cavalerie, les commandants de groupes d'escadrons sont des chefs d'escadrons, appelés commandants (comme les commandants des bataillons d'infanterie);

2. Les chefs de peloton sont des lieutenants, sous-lieutenants, aspi­rants, ou adjudants-chefs. Si, pour un escadron, nous mentionnons plus de 4 chefs de peloton, c'est que certains sont en surnombre, ou bien que, par suite de départs et d'arrivées à l'époque de mai 1940, les archives mentionnent plus de 4 noms, sans que nécessairement il y en ait eu plus de 4 simultanément à l'unité.

5e DLC

- ETAT-MAJOR DE LA DIVISION: général Chanoine, commandant la division.

- 6e BRIGADE DE CAVALERIE (6e BC): général Brown de Colstoun, capitaine Bruyant, Lt Grégoire Ste Marie (2e bureau), slt Leaute (officier de renseignements du «Corps»?).

11e Cuirassiers: colonel Labouche

Ier groupe: capitaine Finaz

1er escadron: capitaine Beau; pelotons Malivel, Ortoli, Binder, Prételat, Felici, Lt Bridoux (4e peloton)

2e escadron: capitaine Grognet; pelotons Thomas, Rotschild, Meaudre, Venturini

IIe groupe: commandant Le Balle

3e escadron: capitaine Pillafort; pelotons Saint-Mathieu, Lancien

4e escadron: Lt Cavalie; pelotons Wattinne, De Wawisky, Lentie

5e escadron (de Mi et canons): capitaine Seguin; pelotons Herant, Schmitt, Rouzée.

12e Chasseurs à cheval: colonel Lesne

Ier groupe: commandant Richier

ler escadron: capitaine Demazin; pelotons de Fournaux la Chaze, Le Beau de la Morinière, de Blanchonval, Ceccaldi

2e escadron: capitaine Ethuin; pelotons Dorange, Bazaille, de Franqueville, Clobus, Monnaert, Baijot, Maroy

IIe groupe: commandant Robitaille

3e escadron: capitaine Dumas de Champvallier; Lt de la Chapelle, slt Manet, adjudant-chef Masset

4e escadron: capitaine Bouhet; pelotons Marzloff, de Tassigny, Thoreau la Salle, Richard

5e escadron: capitaine de Grétry; pelotons Gevardat de Fombelle, Lacave, L'Huillier, Fournier, Bigot, Thousin.

 

- 15e BRIGADE LÉGÈRE MÉCANIQUE (15e BLM): colonel Evain, capitaine Gailly de Taurines; capitaine de Gayardin de Fenouyl (2e et 3e bureaux), Lt Desouches (1er et 4e bureaux); Lt Millot (Transmissions), Lt Sainfort (et du QG).

5e Régiment d'Autos-mitrailleuses (5e RAM): colonel Le Pelletier de Woillemont

Ier groupe: commandant Rougier

ler escadron (d'AMD): Lt du Tertre; pelotons Zagrodski, Stein, Da, Delaunoy

2e escadron (moto): capitaine de Canchy; pelotons de Casteja, du Boutiez, Loue, Toussaint

IIe groupe: commandant Berges

3e escadron: Lt Picquart; pelotons Loiseleur, Sabatié, Guignard, Brosse du Plan

4e escadron (moto): capitaine de Chabot; pelotons Koltz, Joubast, Roulet, Baudouin.

15e Régiment de Dragons Portés (15e RDP): colonel Chaumont-Morlières

Ier bataillon: commandant Fontaine

ler escadron (AMR et motos): capitaine Fontant; pelotons Babouin, Combet (2e pel. d'AMR), Glasberg, Isaac

2e escadron: capitaine Casati-Ollier; pelotons Bois, Ize, Michaud, Salva

4e escadron: capitaine de Truchis de Lays; pelotons Miraillet, Diot, Louchet, Agniel, Pujos.

Lt Nerard (Esc ?)

 

IIe bataillon: commandant d'Arras

5e escadron (AMR et motos): capitaine Ribes; pelotons de Villelume, Longin, Faucher

6e escadron: capitaine Vincent; pelotons Nerson, Chevallier, Sans, Roche

8e escadron: capitaine de Truchis de Varennes; pelotons Dubois, Fornex de Mouges, Dubel, Damour.

78e Régiment d'Artillerie

Ier groupe: ?

IIe groupe: capitaine Leinekugel (?), Lt Rivet.

10e Batterie de canons de 47 antichars

5e Escadron divisionnaire antichars (canons de 25)

Capitaine Estaniol; Lt Martin, slt Saby, aspirant Hanus.

Cie de Sapeurs-mineurs 34/1

Capitaine Lopin, sergent-chef L'Ommes

Section moto: Lt Brunelle; sergent-chef André

Section camionnettes: SLt Toussaint

Section tout terrain (TT): adjudant-chef Coudert.

RENFORTS

12e GRCA: Lt-colonel Crémière; capitaine Bouillard (adjoint), capitaine Simonin (renseignements), Lt Morhet (transmissions), Lt Plailly (officier des détails)

Escadron hors rang: capitaine Delacour

Ier groupe: commandant de Boissesson

1er escadron: Lt Dollais; pelotons Le Mas, Roche, Rivain, Mairesse, Zeutz d'Alnois

2e escadron: capitaine Lescot; pelotons Bonduelle, de Laurens, Gillette, Daumesnil

Ile groupe: commandant Mouton

3e escadron: capitaine Lebel; Lt Josset, Guillerie, Hachette

4e escadron: capitaine Desvergnes; Lt Marchand, de Montenit, Bourel.

60e GRDI: Lt-colonel du Passage

ler escadron: capitaine André; Lts Delisée, Laguette

2e escadron: capitaine Saulnier-Blache; Lt de la Morandière

3e escadron: capitaine Arthuys.

64e GRDI: Lt-colonel Mallet; capitaine Hallier, capitaine Girade, Lt Parouty, Lt Cornilleau (transmissions), Lt Bernier, Lt Barbier, Lt Monchicourt; médecin-Lt Devallée

1er escadron: capitaine Gerdes; Lt Gaullier, Benoist d'Azy, SLt Joffre, aspirant de Vansay

2e escadron: Lt Plotter; Lt Reverdy, Paulmier, aspirants Meyer, Lefèvre

3e escadron: Lt de la Rochetterie; Lt Berger, de Toulgoët, de Pommereau (groupe Mi), Garnier (canons de 25).