LE 149° REGIMENT D'INFANTERIE DE FORTERESSE
(1935-1940)

 

 
Resiste et Mord



Reconstitué en 1935, le 149° R.I.F. se trouve sur la Ligne Maginot et tient le Secteur Fortifié de la Crusnes, au nord de la Meurthe & Moselle, du fort de Brehain-la -Ville au petit ouvrage de Chappy près de Longuyon . Avant la mobilisation, il compte 3 bataillons du type bataillon de mitrailleurs. Ces unités comportent 1 compagnie d'équipage d'ouvrage destinée à servir les grands et petits forts. Les troupes d'intervalle prennent position dans les nombreuses casemates, tourelles de marine, blockhaus disséminés tout au long de la frontière franco-luxembourgeoise.


Le Régiment est implanté ainsi :


Avec son effectif de paix, échelon A, chaque C.M. occupe un quartier de la Ligne Maginot. Cette compagnie est renforcée des éléments nécessaires de la compagnie d'engins (fusils mitrailleurs, canons de 25 et mortiers). Les canons de 47 de marine des blockhaus du quartier sont également servis par le personnel de cette Compagnie. Combinés avec les feux des ouvrages et casemates (canons de 47, mitrailleuse de tourelle ou de cloche, fusils mitrailleurs de cloche des guetteurs et défense des entrées, lance-grenades divers) les feux des intervalles permettent d'assurer la défense contre une attaque brusquée.
A la mobilisation, chaque bataillon a donné naissance à 1 régiment et chaque compagnie essaima en 3 nouvelles.


Les unités issues de chacun des bataillons du temps de paix sont par bataillon :

Le colonel MISEREY, commandant le 149 du temps de paix, prend le commandement de l'ensemble de l'infanterie de forteresse des régiments nouvellement créés. Le recrutement est composé de l'échelon A : personnels d'active, échelon B/1 : réservistes régionaux, échelon B/2 réservistes venant du Centre Mobilisateur d'Etain.


Les limites imposées au 149° R.I.F. en août 1939 sont : le ruisseau 2 km est de Pierrepont, 1,5 km nord-est de Baslieux (exclu), Chesnières. Le Régiment tient un front de 11 km, 2 gros ouvrages que sont Fermont et Latiremont, le petit ouvrage de Chappy ainsi que 10 casemates.


Le 3 septembre 1939 à 5 heures du soir l'état de guerre est proclamé. Le Secteur Fortifié de la Crusnes appartient au XXI° Corps d'armée (15 sept.) qui coiffe la 20° Division d'Infanterie, P.C. à Mangiennes. S'ensuivront d'autres rattachements par suite de dissolutions, mouvements, regroupements d'unités.
Comme en témoignent les différents documents de l'époque, journaux de marche, témoignages des combattants, les activités sont quasi nulles durant les premiers mois de la guerre.

Voici le texte du journal de marche du fort de Fermont de décembre 1939 attestant du calme profond régnant sur la frontière :


5 : Arrivée du sous-lieutenant MARTIN affecté à l'Ouvrage (Infanterie)
Commencement des cours de chefs de chambre de tir
6 -12 : R.A.S.
13 : Départ du sous-lieutenant MARTIN à Errouville (cours des chefs de casemate et des commandants de bloc)
14-15 : R.A.S.
16 Le soldat de 2° Classe Nézée du bloc 6 est nommé soldat de 1° classe
17-18 : R.A.S.
19 : Exercice pour l'infanterie d'Ouvrage
Fin du 1° cours et début du 2° cours de chefs de chambre de tir
20 : R.A.S.
21 : Activité aérienne
22-25 : R.A.S.
26 : Retour du sous-lieutenant MARTIN d'Errouville
27-31 : R.A.S.

La "drôle de guerre" est déclarée depuis près de 4 mois.
Cependant, à partir du 10 mai et jusqu'au 27 juin cette guerre portera bien son nom. Les avances allemandes se précisent, le gros ouvrage de Latiremont est attaqué mais devant l'ampleur de la riposte, l'ennemi doit se retirer. Le gros ouvrage de Fermont, mieux connu parce qu'heureusement restauré et visitable aujourd'hui pour l'édification de tous, a lui aussi résisté contre l'invasion. Le 21 juin une quinzaine de pièces d'artillerie de tous calibres le pilonnent. L'infanterie monte à l'assaut. Commandé par le capitaine AUBERT du 149, il tient malgré tout. Même l'armistice du 25 juin ne le fera pas se rendre.


Cependant si les compagnies d'équipages d'ouvrage restent en place, l'entrée en masse des adversaires oblige les troupes d'intervalle à quitter leurs positions pour défendre le pays plus à l'intérieur. Elles se transforment contraintes et forcées, sans préparations ni moyens adaptés en infanterie mobile, quittant le Pays-Haut le 13 juin.


LA BATAILLE DE DARMANNES - JUIN 1940

 

Lors du décrochage de la Ligne Maginot au soir du 13 juin 1940, le 149° RIF reçoit pour mission d'assurer la couverture d'une partie de la II° Armée du général CONDE sur la gauche de celle-ci, dispositif appartenant à une ligne Chaumont-Void (9 km de Commercy).


Le lt-colonel BEAUPUIS doit embarquer dans la nuit du 13 au 14 à Mercy-le-Bas près de Longwy. Le groupement de transport d'Abzac arrive très en retard et avec peu de moyens. Aussi le chef de corps fait-il embarquer le 149 qui dans les chenillettes, qui dans les voiturettes et même à cheval.

Les bataillons reçoivent les destinations suivantes :

Les retards pris au départ font que le déplacement s'effectue de jour, gêné par des bombardements aériens et l'afflux de réfugiés.


Ayant rejoint Chaumont, le lt-colonel BEAUPUIS reçoit du colonel MISSEREY du 42° C.A. l'ordre de tenir de Chaumont à Rimaucourt par Bologne et Andelot. Il disposera du 57° bataillon de Mitrailleurs Motorisés déjà sur place à Chantraines et Blancheville.


Le 14 à 23h30, deux blindés allemands se heurtent à une barricade devant Chaumont et s'en retournent pour revenir plus nombreux vers minuit. Les barricades sont débordées et enlevées. Chaumont est occupé avant que le 149 n'arrive. Le Chef de Corps rejoint ses adjoints à Darmannes.


Le 15 juin à 1 h, le 57° B.M.M. occupe Bologne et le 1° bataillon du 149 arrive enfin à Andelot qu'il investit.


Les Allemands ayant "dépassé" le 149, les 2° et 3° bataillons sont débarqués à Saint-Blin (10 km est d'Andelot) et s'installent ainsi :


Bologne, trop en flèche, est abandonné. Les défenses sont reportées sur les hauteurs au sud-est.


Le 16 au matin, les Allemands attaquent Riaucourt et l'occupent ; sa garnison s'est repliée sur les hauteurs à l'est. Vers midi, ils attaquent Rimaucourt et l'occupent mais ils échouent sur Andelot dont la garnison a été renforcée d'une batterie de 75 coupée de sa division.


Dans l'après-midi, durant l'attaque d'Andelot, une voiture allemande fonce sur une barricade près de la gare du village. Elle est tirée au canon de 25 et au F.M. Un officier et le conducteur sont tués, un colonel allemand blessé est fait prisonnier. Il s'agit du colonel ARNOLD du Q.G. du maréchal LIST. Le fanion à croix gammée de sa voiture est pris.


Le lt-colonel BEAUPUIS entreprend alors d'échanger le colonel allemand contre 2 capitaines français prisonniers. Tout cela se fait au P.C. de l'Armée. Ces tractations ayant pris du temps, le colonel demande à l'ennemi de le reconduire en avion dans sa zone. Ce qui lui est accordé ! Arrivé au P.C. du corps d'armée allemand, il est proposé au lt-colonel BEAUPUIS de se rendre, avec les honneurs de la guerre. Afin de le convaincre, on lui montre, prêts pour le lendemain, les plans d'attaque du 149 par deux divisions allemandes. Le colonel français repousse ces propositions. Par les villages de Consigny et Mareilles, il regagne les positions de son 2° bataillon.


La journée du 18 juin 1940 est très dure. L'ennemi, appuyé par une forte artillerie, débouche dès l'aube. Il attaque Andelot en le débordant par l'est : de Bologne à Chantraines, il converge sur Darmannes, de Condès à Chaumont, il converge sur Treix. Vers 17 heures les restes du régiment sont capturés. Le lt-colonel BEAUPUIS qui avait quitté son P.C. de la ferme Fragneix, devenu point d'appui, pour Mareilles est conduit à Riaucourt où un général allemand le félicite pour la brillante conduite du 149. Le 20 juin, le lt-colonel BEAUPUIS s'échappe d'un convoi de prisonniers. Après quelques étapes, dont Colombey-les-Deux-Eglises, il regagne Melun puis Paris où il se trouve le 25. On le retrouvera ensuite directeur de l'Ecole Supérieure d'Education Physique d'Antibes.


Cette bataille de Darmannes fait mentir les assertions selon lesquelles l'ennemi a envahi la France sans aucune résistance. Le 149, sous l'impulsion de son chef s'est défendu. Encerclé par la division du général GUDERIAN, il n'en a pas moins lutté. 49 tués, dont le commandant VALENTIN du III/149 et 12 blessés mortellement sont le tribu que le Régiment a versé pour sauver l'honneur du pays. Ces hommes qui n'étaient pas préparés à cette mission ont su répondre même si tout s'effondrait autour d'eux. Leur mémoire est gravée sur le marbre du monument qui leur est dédié à Darmannes, au bord de la RN 74 de Neufchâteau à Chaumont.

Sources : http://www.lcvgraphics.com/amicale149ri/forteresse.htm